Publication de documents «secret défense» : le parquet de Paris ouvre une enquête

La parution dans « le Monde » d'un document classé confidentiel a-elle compromis le secret-défense ? Depuis lundi 21 novembre, le parquet de Paris se penche sur la question.

C’est dans le cadre de multiples entretiens à l’Elysée avec François Hollande que des journalistes ont obtenu un document évoquant un plan d’attaque aérien sur les infrastructures du régime syrien en 2013.
C’est dans le cadre de multiples entretiens à l’Elysée avec François Hollande que des journalistes ont obtenu un document évoquant un plan d’attaque aérien sur les infrastructures du régime syrien en 2013. AFP/IAN LANGSDON

    « Les emm... volent en escadrilles », avait l'habitude de jurer Jacques Chirac. A en juger par les ennuis qui, ces derniers temps, fondent sur François Hollande, on croirait le chef de l'Etat survolé par la Patrouille de France. Hier, le parquet de Paris a diligenté une enquête préliminaire pour compromission du secret de la défense nationale afin de savoir dans quelles circonstances un document estampillé « confidentiel défense » a été reproduit en fac-similé dans « le Monde » le 24 août dernier. Les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme l'ont obtenu dans le cadre de multiples entretiens à l'Elysée avec François Hollande, rencontres qui ont débouché sur une série d'articles dans le quotidien du soir puis sur le livre « Un président ne devrait pas dire ça... ».

    En découvrant dans la presse la chronologie du plan d'attaque aérien visant les infrastructures du régime syrien, prévu — puis annulé au dernier moment — le 29 août 2013 à 12 h 30, les responsables militaires français ont failli tomber de leurs chaises. Malgré l'émoi provoqué dans ses rangs, le ministère de la Défense n'a cependant pas jugé opportun de déposer plainte. Quant au parquet de Paris, après s'être interrogé, il n'a, dans un premier temps, lancé aucune investigation. L'affaire semblait close. Du moins jusqu'à ce que début novembre le député LR Eric Ciotti dénonce les faits par courrier au procureur de la République, comme la loi le lui permet. Un signalement qui, presque mécaniquement, provoque l'ouverture d'une enquête judiciaire, la compromission du secret de la défense nationale étant passible de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende.

    Pour autant, le parquet de Paris se montre d'une prudence de Sioux. Aucun service d'enquête n'est encore saisi. Les magistrats veulent d'abord prendre l'avis du ministère de la Défense. Il s'agit de déterminer si le document était toujours classifié lors de sa publication. Et, dans l'affirmative, de « connaître le degré d'atteinte » à ce secret d'Etat. Or ce raid français, prévu trois ans plus tôt, n'a jamais eu lieu pour cause de défection de l'allié américain. Il y a donc fort à parier que l'enquête n'ira guère plus loin.

    Des révélations qui heurtent les militaires

    Même si le président dispose d'une immunité pénale sur les actes commis dans l'exercice de son mandat, l'affaire tombe mal pour François Hollande, qui cherche désespérément à se « représidentialiser » autant qu'à recoller les morceaux avec ses troupes. Chez les militaires aussi, habitués au respect du secret, ces révélations ont heurté. Qu'il soit ou non à l'origine de la fuite, le président et chef des armées a perdu de son crédit. Réaction grinçante d'un haut gradé, tout en sobriété : « Ce n'est pas notre manière de faire. » Au ministère de la Défense, on oppose un « pas de commentaire » aux questions des journalistes. Quant à l'Elysée, c'est silence radio.