Risques de coupures d’électricité, flambée du prix du gaz, objectifs de réduction des émissions de CO2 : tous les ingrédients étaient réunis pour qu’Emmanuel Macron décide en février dernier de développer davantage le parc nucléaire français. Six nouveaux réacteurs devraient être construits. Mais où seront-ils implantés ?

Pour atteindre son objectif de neutralité carbone d’ici 2050, la France mise sur le renouvellement de son parc nucléaire, et sur la prolongation de dix ans de la durée de vie des anciennes centrales nucléaires. Par ailleurs, six réacteurs de type EPR2 devraient être implantés. Le président Macron laisse également entrevoir la possibilité de construire huit réacteurs nucléaires supplémentaires.

Actuellement, l’énergie nucléaire couvre près de 70% de la production d’électricité nationale, à travers un réseau de 56 réacteurs développant une puissance cumulée de 61,4 GW. Le président français estime que 25 GW supplémentaires doivent être installés pour faire face aux besoins futurs, et à l’électrification d’un nombre croissant de services (électrification de la mobilité, de l’industrie, connectivité, décarbonation de la production électrique, etc.).

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Nucléaire, renouvelables : retard à tous les étages

Les premiers réacteurs nucléaires devraient être opérationnels dès 2035. Une échéance jugée optimiste, lorsque l’on considère les 16 ans nécessaires à la construction de l’EPR de Flamanville, au lieu des 5 ans initialement prévus.

Sans parler du dépassement budgétaire, qui s’élève à 9,4 milliards d’euros, sur les 3,3 milliards initialement prévus. 16 ans, soit 12 de plus que le calendrier initialement prévu, c’est également le délai qu’il aura fallu pour mettre en service le réacteur EPR d’Olkiluoto, en Finlande, qui vient d’ailleurs de produire son premier térawattheure (TWh).

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Emmanuel Macron n’a pas pour autant mis de côté le développement des renouvelables : il prévoit la construction d’au moins 50 parcs éoliens offshore. Objectif : 40 gigawatts (GW) à l’horizon 2050. Ici aussi, on peut juger l’objectif ambitieux au regard des 10 ans de retard accusés pour la mise en service du parc éolien offshore de Saint-Nazaire, premier de ce genre en France, prévu pour fin 2022.

L’éolien terrestre verra toutefois sa croissance revue à la baisse. La capacité annuelle devrait doubler d’ici 2050, alors qu’au départ, Emmanuel Macron voulait la multiplier par 10. Quant au solaire, la France devra se doter d’une capacité de production photovoltaïque de 100 GW d’ici 30 ans, alors que celle-ci s’élève aujourd’hui à 13,6 GW.

Où se situeront les nouveaux réacteurs nucléaires ?

Les nouveaux réacteurs nucléaires seront construits et exploités par l’opérateur national EDF, qui est détenu à 80% par le gouvernement français. EDF est déjà responsable de l’exploitation des 56 réacteurs nucléaires en France. EDF a remis au printemps dernier au gouvernement sa proposition de construire six EPR2 sur trois sites existants, chaque site étant doté de deux réacteurs :

• Centrale nucléaire de Penly, près de Dieppe (Seine-Maritime)

• Centrale nucléaire de Gravelines (Nord)

• Centrales nucléaires du Bugey (Ain) ou de Tricastin (Drôme)

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Qu’est-ce qu’un EPR2 ?

L’EPR2 est un réacteur à eau sous forte pression dit de troisième génération, de conception française. Il s’agit d’une version plus simple que la conception initiale de l’EPR (« European pressurized reactor », rebaptisé « Evolutionary pressurized reactor »).

Ce modèle évolué est censé être plus simple et plus rapide à construire, car installé par paires. La construction de plusieurs exemplaires permettra de réaliser des économies d’échelle. De même, l’expérience acquise à Flamanville devrait permettre d’éviter de nombreuses erreurs ayant entraîné de sérieux retards dans la construction.

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L’EPR est un réacteur « évolutionnaire », c’est-à-dire qu’il ne bénéficie pas d’un saut technologique par rapport au modèle précédent, mais uniquement des retours d’expérience en matière de sûreté et de performance. Il est toutefois moins polluant, puisqu’il consomme 20% d’uranium en moins par MWh produit par rapport aux réacteurs actuellement en fonctionnement, et produit donc moins de déchets radioactifs.

Cette nouvelle génération de réacteurs bénéficie d’une enceinte de confinement renforcée, et d’un récupérateur de corium qui permet, en cas de fusion du cœur, de récolter le combustible et de le refroidir grâce à des réserves en eau stockées de manière permanente dans la centrale.

L’EPR2 est réputé comme le réacteur nucléaire le plus puissant au monde (1 650 MW). Trois exemplaires sont déjà opérationnels dans le monde : 2 en Chine (Taishan) et 1 en Finlande (Olkiluoto). Deux autres centrales EPR sont en construction en Grande-Bretagne (Hinkley Point) et en France (Flamanville).

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Il faudra être patient

La procédure de demande d’autorisation de construction d’une installation nucléaire, déposée par EDF et instruite par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), est relativement longue, et passe notamment par une enquête publique.

Il reste donc encore des étapes cruciales à franchir avant d’arriver à la concrétisation du programme nucléaire d’Emmanuel Macron. Ces dernières ne seront pas achevées avant 2026 selon un premier calendrier publié Commission nationale du débat public (CNDP).

Selon le député écologiste Matthieu Orphelin, un tel chantier serait « en contradiction totale avec la programmation pluriannuelle de l’énergie [PPE, NDLR] votée en 2019 qui dit qu’on ne peut pas faire de nouvelles centrales sans retour d’expérience de Flamanville »

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