Les combats menés autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, ont laissé craindre le pire. Jeudi 24 février, dans la soirée, le bureau de la présidence ukrainienne constatait : « Après une bataille acharnée, nous avons perdu le contrôle de Tchernobyl. » Le nom de la centrale, dont le réacteur n° 4 a explosé le 26 avril 1986, revient de façon dramatique dans l’actualité. Alors que les combats faisaient rage autour du site, situé dans le nord du pays, près de la frontière biélorusse, d’où sont venues les troupes russes, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a évoqué, dans un message sur Telegram, les « défenseurs qui donnaient leur vie pour que la tragédie de 1986 ne se répète pas ». « C’est une déclaration de guerre contre l’Europe tout entière », a-t-il ajouté.
Vendredi, la catastrophe envisagée n’avait pas eu lieu. Et l’éventualité, pointée par M. Zelensky, d’un tir d’artillerie sur les installations laissant échapper des poussières radioactives qui « recouvriraient l’Ukraine, la Biélorussie et les pays de l’Union européenne » ne s’est pas vérifiée. Pour autant, la situation reste préoccupante.
D’abord, dans les environs de Tchernobyl, les taux de radioactivité ont fortement augmenté. L’autorité de sûreté nucléaire ukrainienne a indiqué, vendredi matin, que ces niveaux, mesurés par de nombreuses balises disséminées dans la région, s’étaient accrus, « sans qu’il soit possible d’établir les raisons de ces changements à cause des combats sur le territoire ». L’hypothèse avancée est que les mouvements des lourds engins militaires ont remué le sol, contaminé, provoquant une augmentation de la pollution de l’air.
Poussière radioactive
Eric Cogez, responsable du service d’intervention radiologique et de surveillance de l’environnement à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), estime que le facteur d’augmentation constaté sur certaines balises va de dix à quarante. Sans pour autant atteindre des niveaux dangereux : « La radioactivité est identique à celle à laquelle on est exposé dans un avion de ligne », sachant qu’à 10 000 mètres d’altitude, le rayonnement est de 100 à 300 fois supérieur à celui constaté sur la Terre. Cette poussière radioactive devrait se redéposer rapidement. « Mais la situation reste difficile à analyser, prévient-il, car on voit des points passer au rouge un peu partout, sans aucune cohérence. »
Autre risque, si le sarcophage en béton et l’immense arche métallique qui confine le tout – elle a été construite en 2017 pour éviter que la radioactivité ne s’échappe lors d’opérations de décontamination et de démantèlement – n’ont subi aucun dégât, il reste la piscine, qui contient quelque 20 000 assemblages de combustible, lesquels ont servi à alimenter la centrale entre 1977 et 2000, année de l’arrêt définitif des trois autres réacteurs de Tchernobyl. « Si l’on perdait les sources électriques, et donc le refroidissement de cette piscine, il n’y a pas de risque de dénoyage des assemblages. En cas de perte du réseau électrique sur les centrales, des groupes électrogènes de secours alimenteraient les systèmes de sûreté des réacteurs », observe Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’IRSN.
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