Certaines nuits, les centrales solaires thermodynamiques espagnoles fournissent jusqu’à 800 MW au réseau. Malgré l’absence totale de soleil, ces centrales particulières développent une puissance proche d’un petit réacteur nucléaire. Comment est-ce possible ?

Si vous jetez régulièrement un œil au site ElectricityMap, vous avez certainement constaté que la puissance solaire fournie aux réseaux électriques est nulle du coucher au lever de soleil. Rien de plus normal à priori… sauf en Espagne. Le pays parvient à générer une quantité non-négligeable d’électricité solaire jusqu’au cœur de la nuit. Il dispose en effet d’un important parc de centrales solaires thermodynamiques (aussi appelées centrales à concentration), dont le fonctionnement est radicalement différent des fermes photovoltaïques habituelles.

L’Espagne, leader mondial du solaire thermodynamique

Avec 2 304 MW, l’Espagne est de loin le pays qui dispose de la plus grande puissance solaire thermodynamique installée dans le monde. Après avoir massivement investi dans cette technologie au début des années 2000, elle n’a toutefois plus ouvert de nouvelles centrales depuis 2012. Elle se contente actuellement de 34 sites déployant de 11 à 200 MW de puissance. En 2021, cette filière a fourni 4 706 GWh au réseau ibérique, soit 1,8 % de la production nationale, selon Red Electrica de España, le gestionnaire du réseau électrique.

Les régions les plus ensoleillées situées au sud du pays sont les mieux dotées. L’Andalousie et l’Estrémadure hébergent ainsi l’essentiel de la puissance solaire thermodynamique nationale : 1 849 MW. Dans la moitié nord, seule la Catalogne est équipée, avec une modeste capacité de 24 MW. Une répartition logique. Contrairement aux centrales solaires photovoltaïques, dont la production diminue sans être nulle par mauvais temps, les centrales thermodynamiques nécessitent un ciel immaculé pour fonctionner.

Concentrer le rayonnement solaire

Leur principe est simple : les rayons de soleil sont concentrés vers une cible contenant un fluide caloporteur (des sels fondus la plupart du temps). Porté à haute température, ce fluide transfère ensuite sa chaleur à de l’eau. Transformée en vapeur, celle-ci actionne une turbine qui produit de l’électricité

Deux technologies de centrales thermodynamiques sont employées en Espagne, comme ailleurs dans le monde. La première consiste à concentrer le faisceau solaire en un point unique au sommet d’une tour, où le fluide est chauffé. Dans la seconde, le fluide circule le long de canalisations vers lesquelles les rayons sont dirigés. Pour en apprendre davantage sur les centrales solaires à concentration, n’hésitez pas à consulter cet article.

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De l’électricité solaire jusqu’au bout de la nuit

La plupart des centrales sont équipées d’une cuve de stockage du fluide chaud. Celle-ci agit comme une batterie, permettant au site de prolonger la production d’électricité pendant plusieurs heures après le coucher de soleil. Les plus petites disposent de 30 minutes d’autonomie, quand les plus grandes peuvent continuer à alimenter le réseau pendant 17 heures.

En Espagne, la majorité des centrales thermodynamiques avec stockage revendiquent de 7h30 à 9h d’autonomie. Elles offrent ainsi l’avantage considérable d’être pilotables, à l’inverse du photovoltaïque et de l’éolien, qui dépendent de moyens de stockage externes ou d’exports pour adapter leur production à la demande.

Été comme hiver, une production quasi-ininterrompue

La pilotabilité permet notamment aux centrales solaires thermodynamiques d’injecter une puissance importante sur le réseau jusqu’au plus profond de la nuit. Le 11 juin dernier à 2 h du matin, elles affichaient par exemple 754 MW, soit quasiment 50% de la puissance d’un réacteur nucléaire de type EPR II.

Leur minimal s’est élevé à 325 MW à 8 h du matin avant de plafonner à 1 367 MW à 10h40. Ce jour-là, les centrales thermodynamiques espagnoles ont produit 22 GWh d’électricité bas-carbone (à environ 20 g eqCO2/kWh selon la NREL, l’association américaine des énergies renouvelables).

Si leur puissance baisse drastiquement en hiver, elles continuent de délivrer plusieurs centaines de MW de jour et quelques dizaines de MW la nuit. Leur production quotidienne est inférieure à 1 GWh une trentaine de jours par an, presque uniquement concentrés de fin octobre à fin mars.

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