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Économie

EDF dans la tourmente

La centrale nucléaire de Chooz, où des réacteurs sont à l'arrêt à cause de problèmes de corrosion sur les circuits de sécurité.

Dix réacteurs nucléaires à l’arrêt et coup de massue du gouvernement : le premier groupe européen de production d’électricité vit un hiver des plus difficiles.

Enchaînement de mauvaises nouvelles pour EDF. L’entreprise française de production et de distribution d’électricité rencontre des difficultés en cascade en ce début d’année. Le gouvernement lui a d’abord imposé de vendre de l’électricité à perte à ses concurrents. Des défauts de corrosion ont été détectés sur plusieurs réacteurs nucléaires, entraînant leur mise à l’arrêt. Enfin, l’action du groupe (dont l’État détient 84 % du capital) a chuté de près 15 % le 14 janvier.

Que s’est-il passé ? Fin septembre, en pleine période de flambée du prix du gaz, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé sur le plateau du 20 heures de TF1 que le gouvernement allait limiter la hausse du prix de l’électricité à 4 % maximum, à partir du mois de février 2022. Un « bouclier tarifaire » pour éviter que les factures des Français n’explosent pendant l’hiver. Sans pour autant mettre en œuvre des mesures de réduction de la consommation énergétique.

Afin de tenir cette promesse, le gouvernement a décidé de réduire le montant de la taxe sur l’électricité. Celle-ci, habituellement d’un montant de 22,50 euros par mégawattheure (MWh), a été abaissée à cinquante centimes [1]. «  [Cela] représente une perte fiscale pour l’État de 8 milliards d’euros », a affirmé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, au journal Le Parisien.

EDF contraint de vendre à perte à ses concurrents

Mais « cette baisse [de la taxe sur l’électricité] n’était pas suffisante pour permettre de garantir [la limitation du prix à + 4 % maximum], a déclaré le 13 janvier la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, au micro de LCI. Donc, nous avons décidé avec Bruno Le Maire de demander à EDF d’augmenter le volume d’électricité bon marché qu’ils vendent à leurs concurrents. »

Depuis la réforme de l’organisation du marché de l’électricité en 2010, EDF est obligé de vendre une partie de son électricité à ses rivaux — fournisseurs historiques comme alternatifs — à prix fixe. Ce dispositif s’appelle l’« accès régulé à l’électricité nucléaire historique » (Arenh). Il a été établi dans le but de favoriser la concurrence sur le marché français de l’énergie. La quantité d’électricité à prix fixe y est normalement limitée à 100 térawattheures (TWh) par an. Mais pour obtenir davantage d’électricité peu chère sur le marché, Barbara Pompili et Bruno Le Maire ont donc demandé à EDF d’augmenter ce volume, pour le faire passer « à titre exceptionnel » de 100 à 120 TWh.

EDF va donc devoir vendre, à perte, plus d’un cinquième de l’électricité qu’elle produit chaque année. Pour tenter de compenser l’effort financier, la Commission européenne a accepté de relever le prix fixe de vente de 42 à 46 €/MWh. Sachant que, sur le marché de gros de l’électricité, le tarif actuel d’un mégawattheure dépasse les 200 €… Dans un communiqué, EDF a estimé que cette obligation gouvernementale allait lui faire perdre entre 7,7 et 8,4 milliards d’euros.

Réacteurs à l’arrêt et chute en bourse

Un malheur n’arrivant jamais seul, le groupe français subit actuellement une série de difficultés techniques. Des problèmes de corrosion et de fissuration ont été détectés sur cinq de ses réacteurs nucléaires — à Civaux (Vienne) en octobre 2021, Chooz (Ardennes) et Penly (Seine-Maritime) en janvier 2022. En tout, dix réacteurs (sur les 56 que compte la France) sont actuellement à l’arrêt.

Le 12 janvier, EDF a également annoncé de nouveaux retards dans le projet de l’EPR (réacteur de nouvelle génération) de Flamanville (Manche). L’estimation du coût final (par EDF) passe de 12,4 à 12,7 milliards d’euros. Rappelons que la centrale a été autorisée en 2007 et aurait dû être mise en service en 2012, pour un coût de 3,3 milliards d’euros.

Ces obstacles économiques et techniques ont-ils effrayé les spéculateurs ? Tout porte à le croire, puisque le 14 janvier, à la fermeture de la Bourse de Paris, les actions d’EDF ont chuté de 15 %. Le titre est au plus bas depuis septembre 2020. Certains observateurs imaginent déjà une recapitalisation de la société. Ce qui donnerait un tout autre éclairage aux déclarations de Barbara Pompili, sur le plateau de LCI le 13 janvier : « Nous serons aux côtés d’EDF, comme nous l’avons toujours été, pour les aider à passer cette difficulté. »

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