Comment fonctionne la tarification progressive de l’eau voulue par Macron

Le président souhaite frapper au portefeuille les plus gros consommateurs pour les responsabiliser. Fonctionnement, coût, effets pervers… Décryptage.

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Avec une tarification progressive, l'eau serait facturée de plus en plus cher en fonction de la consommation.
Avec une tarification progressive, l'eau serait facturée de plus en plus cher en fonction de la consommation. © Joël PHILIPPON / PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP

Temps de lecture : 4 min

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Frapper les gros consommateurs d'eau au portefeuille pour les responsabiliser. Emmanuel Macron a dit souhaiter la généralisation d'une « tarification progressive et responsable » de l'eau jeudi 30 mars, en présentant son plan pour cette ressource de plus en plus rare. Concrètement, explique le président, « les premiers mètres cubes sont facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant, [puis] au-delà d'un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé ».

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Le ministère de l'Écologie précise que le Conseil économique social et environnemental « sera saisi d'une mission » dans l'année pour formuler des « recommandations » sur cette tarification progressive. Fonctionnement, coût pour les consommateurs, effets pervers… Décryptage d'une mesure longtemps portée par la gauche.

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Comment fonctionne la tarification progressive de l'eau ?

Dans la plupart des communes françaises, les habitants paient un abonnement de base pour leur eau, puis chaque mètre cube est facturé à un prix unique, quelle que soit la consommation. Un Français moyen utilise 149 litres d'eau par jour (soit 54 m3 par an par habitant et 120 m3 pour un foyer moyen), avec de grosses disparités. L'idée est donc d'instaurer des prix différenciés par paliers, avantageux pour les petits consommateurs tout en faisant payer les plus gros.

Promesse de campagne de François Hollande en 2012, la tarification progressive, à l'origine à visée plus sociale qu'écologique, s'est muée en une expérimentation votée en 2013. Quelques agglomérations s'en étaient déjà saisies, dont Dunkerque, qui applique trois paliers depuis 2012. À Montpellier, ce système est également appliqué depuis le 1er janvier, mais avec quatre paliers, le premier – jusqu'à 15 m3 – étant gratuit.

Dans une « mission flash » de février 2022, tirant le bilan de la loi de 2013, deux députés proposent de généraliser cette tarification progressive avec trois paliers. De 0 à 80 m3 par an et par foyer, l'eau « essentielle » serait facturée à un « coût symbolique ». De 81 à 200 m3, l'eau « utile » aurait un « tarif inférieur au coût des services ». Au-delà, l'eau « de confort » serait bien plus onéreuse.

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La tarification progressive est-elle efficace ?

Les expérimentations locales offrent un peu de recul sur la proposition. Dans une étude de 2017 sur le cas dunkerquois, Alexandre Mayol, maître de conférences en économie à l'université de Lorraine, calcule que « l'introduction d'un tarif progressif décroît la consommation globale sur l'ensemble du service » de 9 %. Même si, profitant de la baisse des prix, les plus petits consommateurs ont augmenté leur consommation.

Les factures vont-elles augmenter ?

Les finances des services de l'eau doivent être à l'équilibre. La baisse des tarifs sur les premières tranches doit donc être compensée par la tranche « de confort », c'est-à-dire par les plus gros consommateurs. Pour autant, l'augmentation de la facture ne devrait toucher qu'une minorité de la population. À Dunkerque, après 10 ans d'expérimentation, 80 % des foyers ont vu la leur baisser, assure le service de l'eau à Reporterre. À Montpellier, on estime que la mesure profitera à « 70 % à 75 % des abonnés en compteur individuel ».

Quelles sont les limites de la tarification progressive ?

La mesure souhaitée par Emmanuel Macron pourrait toutefois comporter quelques effets pervers, notamment car la consommation est calculée par foyer, et qu'il est encore impossible pour les services de l'eau de différencier le calcul en fonction de sa taille. Une famille nombreuse, grosse consommatrice malgré elle, sera plus pénalisée qu'une personne habitant seule ou un couple sans enfant.

Par exemple, avec les paliers proposés par la mission flash de l'Assemblée nationale, une famille de quatre personnes qui consomment dans la moyenne atteindrait, de peu, le palier de l'eau « de confort » pour sa facturation. Une personne seule pourrait en revanche consommer une fois et demie plus que la moyenne avant même de dépasser le premier palier de l'eau « essentielle » au coût symbolique. Les députés soulignent ainsi que cette mesure doit être accompagnée de dispositifs ou d'aides pour corriger ce biais.

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Quant aux personnes dont l'immeuble n'est équipé que d'un compteur collectif, l'effort individuel ne se voit pas immédiatement sur la facture et n'est donc pas vraiment encouragé. Il est possible d'équiper chaque foyer d'un compteur individuel, mais l'opération a un coût conséquent pour les services de l'eau.

Enfin, si la tarification progressive a une portée symbolique qui invite à la prise de conscience, elle risque de n'avoir que peu d'effets sur ceux qui ont les moyens de se payer une consommation d'eau démesurée et de renforcer la perception d'une inégalité dans l'accès à ce bien commun vital qui vient parfois à manquer. Or, rappelle le centre d'information sur l'eau, « plus le niveau de vie est élevé, plus l'utilisation de l'eau augmente ».

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Commentaires (54)

  • petitbouchon

    Et le compteur
    à secousses sismiques sous le lit, pour compter les fois que " goulou, goulou" ds la case. C'est pour quand. JE dis ça histoire de faire rentrer des sous ds la caisse... De Bercy.
    Pendant ce temps là, notre députaillerie va discutailler pendant des jours sur le sujet de l'eau. Ça occupe...

  • Watys

    Au lieu de taxer (= punir) bêtement, ne serait-il pas plus sain d'encourager et récompenser les comportements vertueux et modérés dans l'utilisation de l'eau ?
    Sans cela on comprend (sans risque de se tromper) que tout ce bla-bla n'est qu'un nouveau prétexte pour taxer encore plus les Français...

  • Petit malin

    Histoire d'eau...
    Et allez ! Une usine à gaz (!) en vue, comme seuls savent l'imaginer nos féconds énarques !

    Il est impossible de déterminer le nombre d'usagers dans un appartement, sauf à s'en remettre à une "déclaration" de leur part. Ou alors à la délation...
    Et quand bien même, vous pouvez avoir une consommation moyenne qui varie quand par exemple vous recevez pour quelques jours de la famille, vos amis, ou gardez votre petit fils.
    Comment prendre en compte cette consommation accrue "temporairement" mais qui influe significativement sur votre consommation ?
    C'est là que la belle usine à gaz administrative est en vue !
    Si chaque foyer envoie une déclaration chaque fois que la petite fille vient chez Papy Mamy parce qu'ils habitent au bord de la Méditerranée (ou à la montagne ou pour ses études, ou, ou, ou... ), bonjour les dizaines de millions de déclarations !
    Ingérable. Sauf en France où rien ne fait reculer nos technocrates de la FP...


    A la lecture de cet article, j'ai découvert par ailleurs que j'étais un super écolos ! Si, si...
    Car enfin si "un français moyen utilise 54 m3 d'eau par an", nous en utilisons moins de 70 m3 à deux ! Le français "moyen" ne doit pas être très économe.

    On nous explique ensuite que dans l'esprit complexe de notre Président, "80 m3 par an et par foyer, l'eau « essentielle » serait facturée à un coût symbolique".
    "Chouette" me suis-je dit ! Je devrais donc voir ma facture baissée notablement...
    Mais ma joie fut vite douchée quand j'ai lu que le "Conseil économique social et environnemental sera saisi d'une mission dans l'année, pour formuler des recommandations".
    Patatra...
    "Dans l'année", pas dans le mois... Et puis si quelque chose d'utile sortait du CESE çà se saurait ! Ils sortiront peut-être (ils ne sont pas très productifs... ) un mauvais rapport dont il ne sortira rien d'opérationnel en 2024 ou 2025...

    Donc, ma petite voix m'a dit : "on se calme et on bois frais".
    De l'eau "essentielle" bien sûr !