Pas besoin du nucléaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050 selon Négawatt
Atteindre la neutralité carbone en 2050 avec un mix énergétique à 96 % renouvelables, donc sans nucléaire, tout en réduisant l’empreinte matière du pays, serait possible en France. Le nouveau scénario Négawatt 2022 explique comment.
Il y a encore d’irréductibles écologistes pour y croire et le démontrer… La France n’a pas besoin de nucléaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Depuis 2001, l’association NégaWatt publie tous les cinq ans un scénario qui explique comment la France peut se passer de l’atome, en partant non pas de la production, mais d’une approche globale de la demande d’énergie, et pas uniquement d’électricité. Alors que la France doit décider, ou non, de la construction de nouveaux réacteurs EPR, elle a publié une synthèse de son nouveau scénario 2022 le 20 octobre, quelques jours avant la sortie, le 25 octobre, du rapport Futurs énergétiques 2050 du gestionnaire du réseau électrique RTE commandé par le gouvernement.
96% d'énergies renouvelables
Malgré l’électrification du chauffage des bâtiments, de l’industrie et des transports, indispensable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la neutralité carbone pourrait être atteinte avec un mix énergétique composé à 96 % d’énergies renouvelables, mais pas uniquement électriques. Les 4 % d’énergies fossiles restant étant liés à la production des matières premières importées. En effet, nouveauté de cette édition, le scénario intègre les émissions importées. Il comporte aussi pour la première fois un volet « négaMat », pour réduire de 850 à 600 millions de tonnes de matériaux bruts l’empreinte matière de la France (principalement grâce à la réduction des fossiles). Enfin, il propose une feuille de route de mesures à dix ans, pour s’inscrire dans les bonnes trajectoires.
Une consommation réduite de 53%
Comment la France pourrait-elle s’électrifier sans nouveau nucléaire, sans mettre en service l’EPR de Flamanville, jugé dangereux, et en ne prolongeant pas le parc actuel au-delà de 50 ans, entraînant une sortie progressive du nucléaire en 2045, comme le prévoit ce scénario ? Négawatt dessine d’abord, par grands secteurs émetteurs, les voies de sobriété et d’efficacité pour réduire, au final, de 53 % la consommation d’énergie en 2050 (à 1050 TWh dont 530 TWh d’électricité) par rapport à 2019. Pour le bâtiment, Négawatt promeut bien sûr le chauffage électrique avec des pompes à chaleur, mais aussi et surtout une révision des politiques de rénovation pour viser des bâtiments basse consommation (BBC) et la formation des acteurs.
Pour l’agriculture, il mise moins sur les forêts, dont le potentiel de puits de carbone et de bioressources devrait rester stable, que sur l’agriculture pour la production de biogaz, et le captage de carbone, grâce aux cultures intermédiaires ou à l’agroforesterie, tout en réduisant le cheptel bovins.
37% de véhicules hybride électricité-biogaz
Pour le transport, le scénario prévoit que le parc automobile bascule vers des véhicules électriques (59 % du parc en 2050), les hybrides rechargeables électricité-GNV (37 %) et à hydrogène (4 %). En 2050, tous sont alimentés par des énergies renouvelables. Le parc de poids lourds, lui, bascule du pétrole vers le gaz renouvelable (74 % en 2050), l’hydrogène (14 %) et l’électricité (12 %). Mais comme les véhicules électriques émettent aussi des particules fines par abrasion des pneus, des freins, etc., il est aussi prévu une réduction du parc et des usages par report modal, réduction des déplacements contraints, réduction des tonnages de fret transportés, augmentation du remplissage des camions et des taux de covoiturage.
Sortie du nucléaire en 2045
Pour l’industrie, Négawatt prévoit une réduction par deux des consommations d’énergie en actionnant plusieurs leviers, comme la relocalisation, la sobriété, le recyclage, l’intensité énergétique. La sidérurgie verrait ainsi, par exemple, sa production passer de 15 millions de tonnes par an en 2019 à 11 Mt décarbonées à l’hydrogène en 2050. Les 6 000 emplois perdus seraient retrouvés par une relocalisation de la métallurgie orientée vers des besoins plus durables.
500 000 emplois créés
Globalement le scénario Négawatt permettrait la création de 500 000 emplois nets d’ici une dizaine d’années, dont 300 000 dans le bâtiment et 100 000 dans les énergies renouvelables. Ce qui serait suffisant pour amortir la disparition des emplois dans la production nucléaire et son industrie liée, affirment les auteurs du rapport. La production d’électricité, qui couvrira 44 % de la consommation contre 25 % aujourd’hui, sera à 100 % d’origine renouvelable (hydraulique, éolien et photovoltaïque) et actionnera toutes les outils de flexibilité y compris le stockage hydrogène. Des unités pilotables de production à gaz renouvelable sont également prévues pour les pointes.
55% d'émissions en moins
Très complet, ce scénario est compatible avec l’ambition européenne de réduire de 55 % les émissions d’ici à 2030. Il permettrait de diviser par neuf les émissions territoriales de gaz à effet de serre et de réduire les émissions importées. Il éviterait aussi 10 000 morts par an liées à la pollution.