L’eurodéputé Markus Pieper paralyse la révision de la directive de l’UE sur le renouvelable

Markus Pieper, député européen du Parti populaire européen (PEE). [Parlement européen/Alain ROLLAND]

L’eurodéputé Markus Pieper, en charge des négociations sur la révision de la directive renouvelable de l’UE, a annulé le cycle de discussions qui devait se tenir ce mardi (7 février). Il accuse la Commission européenne de ne pas avoir présenté un élément clé de la législation connexe sur l’hydrogène.

La directive révisée a pour objectif de doubler la quantité d’énergies renouvelables en Europe, en portant à 40-45 % la part de l’éolien, du solaire et de la biomasse dans le bouquet énergétique de l’UE d’ici 2030, contre 22 % actuellement.

Les négociations se sont toutefois interrompues brutalement ce week-end lorsque l’eurodéputé allemand en charge des négociations au Parlement a annulé une série de discussions interinstitutionnelles prévues ce mardi.

Des représentants du Parlement européen, de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne devaient se réunir pour des trilogues afin de négocier et de parvenir à un accord sur la proposition législative.

« Je tiens à vous informer que j’ai l’intention d’annuler notre prochain trilogue car nous n’avons pas reçu de version actualisée de l’acte délégué [sur l’additionnalité de l’hydrogène] à ce jour », peut-on lire dans un courriel envoyé par le député européen membre du groupe Parti populaire européen (PPE – centre droit), Markus Pieper, qui mène les négociations au nom du Parlement.

Parmi ses objectifs, la directive définit la part d’énergie renouvelable devant être atteinte dans le secteur des transports — laquelle inclut l’hydrogène parmi les carburants renouvelables d’origine non biologique (RFNBO).

C’est sur ce point que M. Pieper estime que la Commission européenne est en tort.

Dans son courriel, l’Allemand regrette que la Commission n’ait pas présenté de règles de mise en œuvre spécifiques — connues sous le nom d’« acte délégué » — définissant la quantité d’électricité renouvelable « additionnelle » nécessaire pour que l’hydrogène synthétique soit considéré comme « vert » au titre de la directive révisée.

« L’acte délégué est d’une importance capitale non seulement pour l’industrie mais aussi pour notre trilogue… afin de convenir d’objectifs liés aux transports », a souligné M. Pieper dans son courriel.

En annulant les discussions, le député européen accentue la pression sur la Commission européenne afin qu’elle présente enfin ses règles d’additionnalité, qui devait initialement être présentées en décembre 2021.

Pourtant, la démarche de M. Pieper n’a pas fait l’unanimité au sein du Parlement.

« Cette annulation n’a pas été convenue avec les autres groupes politiques », a souligné Nicolás González Casares, le représentant des Socialistes et Démocrates (S&D) à la table des négociations, condamnant « l’action unilatérale » et « inacceptable » de son homologue du PPE.

Christophe Grudler, qui représente le groupe centriste Renew Europe, est également intervenu. « Est-ce cela la démocratie ? Je refuse que les énergies renouvelables soient prises en otage par des caprices ! » a-t-il écrit sur Twitter.

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À l’occasion du conseil des ministres franco-allemand de dimanche (22 janvier), les dirigeants des deux pays ont insisté sur l’élaboration d’une « feuille de route commune » pour l’hydrogène décarboné dans laquelle l’hydrogène produit à partir de nucléaire prend toute sa part.

Historique des interventions

Dès 2018, la Commission européenne a été chargée de créer un règlement visant à garantir que les électrolyseurs produisant de l’hydrogène vert n’utilisent que de l’énergie éolienne ou solaire « additionnelle », et ne privent pas d’autres secteurs clés d’électricité issue du renouvelable.

La loi a toutefois été retardée à plusieurs reprises en raison des interventions répétées des États membres, des députés et des commissaires européens impliqués dans le processus.

En décembre 2021, le nouveau gouvernement allemand a fait pression sur la Commission pour retarder les règles et les façonner davantage à la convenance de l’Allemagne, comme l’a révélé EURACTIV en octobre dernier.

La France, pour sa part, s’est employée à faire monter la pression pour que l’énergie nucléaire à faible émission de carbone soit reconnue dans la loi.

M. Pieper lui-même a cherché à intervenir. En septembre 2022, il a déposé un amendement à la directive sur les énergies renouvelables qui aurait ouvert la porte à la production généralisée d’hydrogène, quelle que soit la source d’électricité.

Cela aurait réduit la capacité de la Commission à réglementer l’hydrogène via les règles d’additionnalité. Le commissaire a même suggéré à l’époque qu’un acte délégué sur l’additionnalité de l’hydrogène pourrait ne plus être nécessaire.

LEAK : Agnès Pannier-Runacher demande à la Commission d’introduire l’hydrogène issu du nucléaire dans la stratégie hydrogène de l’UE

Dans un courrier que s’est procuré EURACTIV France, la ministre de l’Énergie française, Agnès Pannier-Runacher, tente directement auprès de la Commissaire européenne à l’Énergie, Kadri Simson, d’intégrer le nucléaire dans les sources d’énergie pour la production de l’hydrogène dit « vert ».

L’initiative de M. Pieper a suscité une vive réaction de la part de l’industrie de l’hydrogène, si bien que l’eurodéputé allemand a finalement renoncé à son initiative.

Jorgo Chatzimarkakis, le PDG de l’organisme de lobbying de l’industrie Hydrogen Europe, a confié à EURACTIV que l’industrie avait « urgemment besoin » de l’acte délégué. Alors que la mise en œuvre d’une directive pourrait prendre des années, un acte délégué entrerait en vigueur presque immédiatement, a-t-il soutenu.

En décembre, l’exécutif européen a finalement présenté un document avec lequel la plupart des parties prenantes semblaient d’accord. Pourtant, cette avancée a elle aussi fini par être écourtée, cette fois en raison de préoccupations au sein même de la Commission, selon les informations d’EURACTIV.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a depuis pris le dossier en main.

En faisant de l’ensemble des règles relatives à l’hydrogène sa priorité. Il semblerait que Mme von der Leyen souhaite aligner la politique avec son propre Plan industriel du Pacte vert pour l’Europe  (Green Deal Industrial Plan) et sur le futur règlement sur l’industrie à zéro émission nette (Net-Zero Industry Act) qui devrait être présenté à la mi-mars.

Alors que l’UE est aux prises avec les règles d’« additionnalité » de l’hydrogène, les États-Unis vont de l’avant avec leur propre « Inflation Reduction Act » — la loi américaine sur la réduction de l’inflation — qui établit des conditions d’investissement favorables pour les producteurs d’hydrogène.

Hydrogène bas-carbone : neuf États membre réclament son intégration dans les objectifs renouvelables de l’UE

Neuf États membres, dont la France, ont adressé mercredi soir (1er février) une lettre à la Commission européenne pour intégrer l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs de développement d’hydrogène renouvelable au niveau européen.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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