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Washington engage un bras de fer avec la Russie autour du traité de défense Ciel ouvert

Le président américain veut se retirer de ce traité qui autorise le survol des territoires dans un objectif pacifique. Donald Trump estime que la Russie viole le traité et menace les intérêts américains. Le secrétaire général de l'Otan juge que « le meilleur moyen » de préserver l'accord est le « retour de la Russie au respect du traité ». Les Européens protestent contre ce nouveau coup porté par la Maison Blanche au multilatéralisme.

Donald Trump a annoncé vendredi son retrait d'un nouvel accord international de défense, le Traité « Open Skies », sans consulter les Européens.
Donald Trump a annoncé vendredi son retrait d'un nouvel accord international de défense, le Traité « Open Skies », sans consulter les Européens. (Leah Millis/Reuters)

Par Véronique Le Billon, Anne Bauer

Publié le 22 mai 2020 à 19:10Mis à jour le 24 mai 2020 à 12:44

Une rupture de plus. Les Etats-Unis ont officiellement fait part, vendredi, de leur décision de se retirer du traité Ciel ouvert (« Open skies »), accusant la Russie de violer cet accord international signé par 35 pays et entré en vigueur en 2002. Ce traité réunit tous les pays européens, la Russie, la Turquie et les Etats-Unis pour permettre de survoler les territoires des pays signataires afin de surveiller, dans un objectif pacifique, les mouvements militaires et les stocks d'armements. « La Russie n'a pas respecté le traité. […] Donc tant qu'ils ne le respecteront pas, nous nous retirerons », a annoncé Donald Trump jeudi à la Maison Blanche. Le retrait est normalement effectif six mois après sa notification.

Dans un communiqué, le Département d'Etat a détaillé les griefs américains : non seulement Moscou interdirait le survol de certaines zones sensibles (l'enclave de Kaliningrad, les régions proches de l'Ukraine, de l'Ossétie du sud ou de l'Abkhazie), mais Moscou ferait désormais du traité « un outil d'intimidation et de menace ». « Moscou semble utiliser l'imagerie d'Open Skies pour soutenir unenouvelle doctrine russe agressiveconsistant à cibler les infrastructures critiques aux Etats-Unis et en Europe avec des munitions conventionnelles guidées avec précision », indique ainsi le Département d'Etat.

« Difficultés dans la mise en oeuvre »

Avec les progrès satellitaires, Washington n'a pas besoin de l'accord Ciel ouvert pour nourrir ses forces de renseignement. Mais, côté européen, on souligne que ce traité donne à chacun un certain droit de surveillance sur les engagements des uns et des autres, dans un cadre de coopération intéressant qui a notamment joué un rôle important en Ukraine lors de l'annexion de la Crimée par la Russie. Les signataires européens de l'accord ont « regretté » vendredi l'annonce de Washington, « bien que nous partagions ses préoccupations relatives à la mise en oeuvre des dispositions du traité par la Fédération de Russie ». Dans un communiqué commun, dix pays de l'Union européenne dont la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne et les Pays-Bas, affirment qu'ils continueront à mettre en oeuvre le traité Ciel ouvert, « fonctionnel et utile ».

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A l'issue d'une réunion en urgence, vendredi, des ambassadeurs des pays membres de l'Otan, son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a jugé que « le meilleur moyen » de préserver l'accord était le « retour de la Russie au respect du traité », soulignant une « mise en oeuvre sélective » de ses obligations par la Russie.

Donald Trump n'a pas fermé la porte à une discussion, faisant même le pari que la Russie allait « demander à négocier un accord ». « Tant que le traité restera en vigueur, nous avons l'intention de respecter pleinement tous les droits et devoirs qui en découlent », a réagi vendredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Moscou se disant prêt à discuter des « questions techniques que les Etats-Unis présentent aujourd'hui comme de prétendues violations de la part de la Russie ».

« Fin du multilatéralisme »

L'annonce américaine porte un nouveau coup aux traités internationaux de défense, après le retrait des Etats-Unis du traité FNI sur les missiles de portée intermédiaire. « Cette dénonciation participe de la destruction d'une lente et longue construction d'un cadre de confiance pour la sécurité européenne », regrette le général Jean-Paul Palomeros, ancien commandant de l'Otan. « C'est une pierre de plus vers la fin du multilatéralisme, un coup porté à la cohésion de l'Otan et à la politique de désarmement. Le lien de solidarité transatlantique qui repose sur les armées mais aussi sur le contrôle des armes devient de plus en plus aléatoire », analyse Jean-Pierre Maulny, politologue à l'IRIS.

 « Le traité Ciel ouvert n'est pas un traité classique de limitation des capacités militaires, mais c'est un traité pour garantir une certaine transparence dans le temps long. Avec les satellites, les Américains n'en ont pas besoin pour observer ce qui les intéresse. Mais pour les Européens, une autorisation ou un refus de survol en Russie par exemple donne des indications et permet d'établir ou non un dialogue », décrypte Corentin Brustlein, directeur à l'Ifri.

Tous les experts de la défense s'inquiètent donc désormais du sort du traité New Start, qui arrive à échéance en février 2021. Donald Trump va-t-il franchir le pas et dénoncer aussi cet accord conclu en 2010 avec la Russie, qui vise à réduire les armes stratégiques nucléaires et à mettre un terme à la course aux armements, comme il en brandit la menace ? S'il veut dénoncer New Start à temps avant l'élection présidentielle du 3 novembre, il lui faudra se prononcer avant septembre. Soutien de l'Otan, son rival démocrate Joe Biden plaide à l'inverse pour le maintien du traité New Start.

Anne Bauer et Véronique Le Billon (Bureau de New York)

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