On peut parfois lire et entendre dans les médias français que l’éolien serait “intermittent” et que l’effet foisonnement est “une chimère”. Est-ce exact ? 

Voici la définition donnée par le Petit Robert et par le Trésor de la Langue Française informatisé  pour le mot « Intermittent » : « Qui s’arrête et reprend par intervalle. » C’est ainsi un vocable synonyme de discontinu. Exemple de phénomène intermittent : la pluie. Après la pluie le beau temps.

Le document ci-dessous, issu d’une étude du groupe ENGIE, montre que la production  des futurs parcs éoliens offshore français n’est pas intermittente. 

Sur l’axe des abscisses il est écrit « % of time » (pourcentage du temps). L’ensemble des parcs pris conjointement (courbe noire) produit de l’électricité 100% du temps. Pour les parcs pris séparément (courbes colorées) c’est de l’ordre de 95% mais la France dispose d’un grand réseau électrique permettant de profiter de l’effet de foisonnement[1]. Celui-ci existe bel et bien.

  • 100% du temps, le parc global cumulé produit plus de 2% de sa puissance nominale.
  • 95% du temps, il produit plus de 10% de sa puissance nominale.
  • 90% du temps, le parc global cumulé produit plus de 20% de sa puissance nominale.
  • 40% du temps, le parc global cumulé produit plus de 60% de sa puissance nominale.
  • 20% du temps, le parc global cumulé produit plus de 80% de sa puissance nominale.
  • 10% du temps, le parc global cumulé produit plus de 90% de sa puissance nominale.
  • 2% du temps, le parc global cumulé produit à 100% de sa puissance nominale.

Jean-Marc Jancovici, consultant carbone, précise que le facteur de charge « est effectivement de l’ordre de 25 % pour l’éolien à terre, ce qui veut dire qu’à la fin de l’année, l’éolienne a produit « comme si » elle avait tourné à pleine puissance un quart du temps et était restée immobile le reste du temps. Mais on peut aussi dire qu’elle a produit « comme si » elle avait tourné en permanence au quart de sa puissance ».

Et c’est en effet ce que l’on observerait en élargissant la zone géographique, au-delà de la France, à l’ensemble de l’Europe, de l’Afrique du nord et du Moyen-Orient :  un aplatissement de la courbe noire. Les parcs éoliens délivreraient alors au réseau pendant 100% du temps une puissance qui s’approcherait du produit du facteur de charge par la puissance nominale du parc global.

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Le facteur de charge des centrales thermiques françaises a été de 22,7% en 2020

Délivrer 100% de la puissance nominale toute l’année n’est observé pour aucun type de centrale électrique. En 2020 le facteur de charge du nucléaire a été de 62% ce qui ne veut pas dire que les réacteurs nucléaires français n’ont rien produit pendant 38% de l’année ! A l’inverse, ils ont délivré de l’électricité 100% du temps. En 2020 le parc électronucléaire français a délivré 335,4 TWh avec 61,370 GW de puissance nucléaire installée. Si le parc nucléaire français avait tourné avec un facteur de charge de 100%, ce sont  537,6 TWh (61,370 GW x 8760 heures par an) qui auraient été délivrés.

Pour les centrales thermiques à flamme françaises, la puissance installée est de 18,935 GW, ceci pour une production annuelle de 37,6 TWh. Le facteur de charge est donc ici de 22,7%,ce qui est inférieur à celui de l’éolien. Ces centrales à flamme sont très utiles dans un mix électrique dominé par le nucléaire.

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124 millions de watts, ce n’est pas égal à zéro

Selon RTE (Bilan électrique 2020) « La production éolienne 2020 atteint son maximum le lundi 10 février 2020 à 18h avec une puissance de 13 409 MW, Cette puissance correspond à un facteur de charge de 72,5 %. Il s’agit d’un record historique. Le minimum est atteint le 24 avril 2020 à 11h avec une puissance de 124 MW (…). Le facteur de charge éolien moyen s’établit à 26,35 % en 2020.»

124 millions de watts (facteur de charge de 0,67%), ce n’est pas égal à zéro watts : l’éolien n’est donc pas intermittent en France. A aucun moment de l’année la production éolienne observée est nulle. Et à aucun moment l’éolien global national n’a produit 100% de la puissance nominale globale. Le  maximum était de 72%.

Enfin  l’éolien est parfaitement complémentaire au solaire photovoltaïque à l’échelle saisonnière en France. Une analyse pertinente doit par conséquent les considérer conjointement.

Compte-tenu d’une part de la hausse prévisible de la demande électrique, notamment du fait de l’électrification du secteur automobile mais aussi du chauffage (pompes à chaleur), et d’autre part de la lenteur de la construction des centrales nucléaires pour remplacer celles en place qui sont vieillottes, éolien et solaire seront incontournables si l’on veut s’affranchir des combustibles fossiles nocifs pour l’environnement, notamment pour le climat.

L’éolien et le solaire PV seront les deux mamelles de la transition énergétique. 

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[1] On appelle « effet de foisonnement » la réduction des fluctuations dans le temps de l’intermittence et de la variabilité de la production d’énergie par la multiplication de sources éloignées.