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La justice américaine demande des comptes à ExxonMobil sur le réchauffement climatique

Le procureur de New York a assigné le groupe ExxonMobil en justice. Il veut vérifier si la compagnie n’a pas cherché à masquer les conclusions des scientifiques ni manqué à ses obligations vis-à-vis de ses actionnaires.

Par  (New York, correspondant)

Publié le 06 novembre 2015 à 00h36, modifié le 19 novembre 2015 à 12h19

Temps de Lecture 3 min.

La raffinerie d'ExxonMobil à Baytown, au Texas, en 2008.

ExxonMobil a-t-il été suffisamment transparent vis-à-vis du public et des investisseurs à propos de l’impact de ses activités sur le réchauffement climatique ? C’est, en résumé, le sens de l’assignation adressée, mercredi 4 novembre, par le procureur de New York, Eric Schneiderman, au géant du pétrole. La procédure est inédite et pourrait ouvrir un vaste front juridique pour toutes les entreprises qui vivent des énergies fossiles.

La justice exige ainsi d’ExxonMobil qu’il lui fournisse un certain nombre de documents, courriels, rapports financiers, afin de vérifier si la compagnie pétrolière, par le lobbying qu’elle a pu exercer ces dernières années, n’a pas, d’une part, cherché à masquer les conclusions des scientifiques sur le changement climatique, et, d’autre part, manqué à ses obligations en n’alertant pas ses actionnaires sur les risques pesant sur les activités de l’entreprise et sa capacité à continuer d’utiliser des énergies fossiles.

La justice s’intéresse notamment au financement par ExxonMobil de recherches climatosceptiques qui visaient à nier le changement climatique. L’assignation s’appuie sur le Martin Act, une législation datant de 1921, propre à l’Etat de New York, qui octroie des pouvoirs discrétionnaires très étendus au procureur pour lutter contre la fraude financière. Cette loi interdit notamment « toute fraude, tromperie, dissimulation, suppression, faux-semblant » ou « toute fausse représentation ou déclaration », et donne à l’Etat toute latitude pour mettre au jour ces manquements.

Le document, qui comporte dix-huit pages, vise à décortiquer la façon dont le groupe a communiqué ces dernières années vis-à-vis de toutes les parties prenantes : clients, investisseurs et même salariés. La procédure n’a rien d’un exercice de style. D’ailleurs, en son temps, l’ex-procureur de l’Etat de New York (entre 2006 et 2010) Andrew Cuomo, désormais gouverneur, avait utilisé le Martin Act pour contraindre des centrales à charbon à changer leur communication financière à propos des risques sur le changement climatique.

Par ailleurs, le New York Times a révélé jeudi que Peabody Energy, le plus gros producteur de charbon américain, faisait l’objet depuis deux ans d’une enquête similaire. La procédure est toujours en cours.

« Ils ont nié la science »

Depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, la pression de plusieurs associations de protection de l’environnement, de scientifiques, de parlementaires et aujourd’hui de candidats à l’élection présidentielle américaine, est devenue de plus en plus forte pour que la justice lance une enquête afin de confondre les groupes pétroliers à propos de leur discours sur le réchauffement climatique.

Hillary Clinton, la favorite pour l’investiture à la primaire démocrate, a ainsi déclaré, fin octobre, lors d’un déplacement dans le New Hampshire (nord-est des Etats-Unis), qu’ExxonMobil devrait faire l’objet d’une enquête, indiquant qu’il « existe beaucoup de preuves qu’ils ont trompé les gens » à propos du changement climatique. Son principal challenger, Bernie Sanders, sénateur du Vermont, a envoyé une lettre allant dans le même sens à la ministre de la justice, Loretta Lynch. Les représentants démocrates de Californie, Mark DeSaulnier et Ted Lieu, se sont joints à ces demandes il y a quelques jours.

Celles-ci font suite à deux enquêtes, l’une du site InsideClimate, l’autre du Los Angeles Times, qui affirment que des chercheurs d’ExxonMobil, à la fin des années 1970 et 1980, avaient averti les dirigeants de l’entreprise de la menace que faisait peser le changement climatique sur les activités de la compagnie pétrolière. Mais celle-ci avait ensuite coupé les budgets de recherche dans ce sens pour au contraire fonder sa communication sur les doutes qui entourent la responsabilité humaine dans l’accélération du phénomène.

Le cofondateur du site écologiste 350.org, Bill McKibben, mène depuis plusieurs semaines des actions pour attirer l’attention sur les manquements auxquels ExxonMobil se serait livré. Il a notamment publié plusieurs tribunes dans le magazine américain The New Yorker et dans le quotidien britannique The Guardian. « Exxon savait tout ce qu’il y avait à savoir sur le changement climatique il y a des décennies et, au lieu de nous alerter, ils ont nié la science et ont fait obstruction à la lutte contre le changement climatique », explique M. McKibben.

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« Nous rejetons catégoriquement les allégations selon lesquelles ExxonMobil a arrêté les recherches sur le changement climatique », a fait savoir un porte-parole du groupe, ajoutant que la compagnie pétrolière avait publié des dizaines d’articles scientifiques sur le sujet, et avait prévenu les investisseurs des risques climatiques.

En attendant, cette enquête fait planer sur l’industrie pétrolière le risque de procès en série, sur le modèle de ceux qui ont coûté des dizaines de milliards de dollars au secteur du tabac, il y a quelques années.

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