Nucléaire : entretien avec un ancien ingénieur du CEA

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Ghislain Houzel, ce nom ne vous dit probablement rien mais cet ancien ingénieur auprès du Commissariat à l'énergie atomique est une mémoire précieuse sur les conséquences des essais nucléaires dans le Pacifique. Auteur de nombreux ouvrages dont « Secrets de Moruroa » sorti en 2013, Ghislain Houzel a accepté de revenir sur ses souvenirs et sur l’actualité des essais nucléaires après la venue d’Emmanuel Macron.

Publié le 01/08/2021 à 17:10 - Mise à jour le 01/08/2021 à 17:10

Ghislain Houzel, ce nom ne vous dit probablement rien mais cet ancien ingénieur auprès du Commissariat à l'énergie atomique est une mémoire précieuse sur les conséquences des essais nucléaires dans le Pacifique. Auteur de nombreux ouvrages dont « Secrets de Moruroa » sorti en 2013, Ghislain Houzel a accepté de revenir sur ses souvenirs et sur l’actualité des essais nucléaires après la venue d’Emmanuel Macron.

Géophysicien de formation, Ghislain Houzel, octogénaire à l’esprit vif et à la mémoire intacte, a travaillé durant 30 ans au service de la direction des essais du Commissariat à l’énergie atomique. De 1966 à 1997, il a été le témoin d’au moins 120 tirs sur les 193 pratiqués et est aujourd’hui un fervent défenseur de la Polynésie.

Analyste des données météorologiques lorsqu’il était en poste sur Moruroa, Ghislain a décortiqué l’ouvrage Toxique qui a défrayé la chronique. « Ce livre Toxique est un livre remarquable. Il a fait une analyse précise de la manière dont ces tirs se sont déroulés », assure-t-il.

Des conséquences qu’il connait intimement, lui qui a perdu de nombreux camarades suite à des cancers que la médecine n’a pas su corréler avec les essais nucléaires, non pas par manque d’informations mais à cause d’une loi du silence ambiante. « Il y avait la chape de plomb du secret défense. Les gens n’osaient pas parler, n’osaient pas trop dire ce qu’ils avaient vu, ce qu’ils avaient ressenti », affirme Ghislain, déclarant avoir eu « des camarades du CEA qui sont revenus en France, qui sont tombés malades, et qui n’ont pas osé dire à leur médecin traitant qu’ils avaient travaillé à Moruroa et Fangataufa ».

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Lors de sa venue, Emmanuel Macron annonçait que l’Etat se chargerait de nettoyer les anciens sites militaires. Mais selon Ghislain, l’impératif se trouve ailleurs : l’Etat devrait également se pencher sur la structure coralienne de Moruroa : « les tirs dans le corail en particulier, ils n’étaient pas profonds. Il faudrait arriver à peut-être les bétonner ces cavités de tirs, à les protéger. On n’est pas à l’abri d’un effondrement de Moruroa, bien sûr, on le sait bien. Il y a eu plus d’une centaine de tirs souterrains, de forte puissance même […]. On a bien été capable de dépenser des milliards pour faire 193 essais nucléaires. On peut bien en dépenser quelques-uns pour maintenant bétonner la zone nord de Moruroa, c’est-à-dire le motu Colette qui est recouvert de plutonium ».

Sur la position du Président de la République concernant le fait nucléaire, Ghislain ne cache pas sa déception : « j’ai été déçu parce que les Polynésiens attendaient le mot « pardon ». […] Il aurait dit à ce moment là « je présente les excuses de la France à la Polynésie pour ces mensonges ou pour certaines contre vérités », je crois que la moitié du travail aurait été fait ».

Enfin, l’analyse de l’ancien ingénieur sur la transmission des données par le CEA est limpide, quant à la volonté de cette institution de lever le voile sur les conséquences des essais nucléaires. « Le CEA ne va pas reconnaître comme ça qu’il y a eu des erreurs ou qu’il s’est fourvoyer, ça c’est évident », indique Ghislain.

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