Le ton tranche avec le cap pris par Emmanuel Macron, qui avance peu à peu ses pions pour relancer le débat sur un futur énergétique où l'atome aurait toute sa place. En témoigne son éloge la semaine dernière des SMR, ces petits réacteurs nucléaires innovants, qui recevront 1 milliard d'euros dans le cadre de France 2030. Une première étape clé avant la décision pour le moins attendue sur les EPR. Loin d'y renoncer malgré les déboires de Flamanville, le chef de l'Etat souhaite officialiser avant Noël la construction de six de ces réacteurs de troisième génération, selon les informations du Figaro.
Un virage pro-nucléaire loin d'être partagé par tous. Pour prouver qu'un avenir neutre en carbone est possible sans recourir à l'atome, le réseau d'experts négaWatt publie ce mercredi les grandes lignes de son scénario pour un mix énergétique « 100% renouvelable », qui se veut « une feuille de route pour le quinquennat » (le scénario complet sera présenté le 26 octobre, au lendemain de la présentation de ceux de RTE, le gestionnaire du réseau électrique, très attendus par les pouvoirs publics). Or le nucléaire, « actuel ou nouveau », est « intrinsèquement non renouvelable » même s'il émet peu de CO2, fait valoir son porte-parole, Yves Marignac, qui demande une « fermeture maîtrisée et responsable du parc actuel, en arrêtant les anciens réacteurs entre leurs 40ème et 50ème années ». L'EPR de Flamanville, en chantier depuis 2004, doit donc être abandonné, et la décision d'en construire de nouveaux écartée, estime l'association.
« Avec 11 ans de retard, 530% de surcoût et des problèmes de conformité en cascade, la décision d'un démarrage à Flamanville n'est pas viable. Elle conduirait non seulement à générer le risque associé au fonctionnement d'un réacteur, c'est-à-dire l'accumulation de combustible usé et un niveau réel de sûreté dégradé, mais aussi à des pertes économiques, à cause de sa non-rentabilité assurée et du coût du démantèlement », avance Yves Marignac.
Développement de l'éolien offshore
En comparaison, l'éolien et le photovoltaïque sont « plus rapides, plus fiables et moins coûteux à construire », assure négaWatt. Dans son scénario, l'éolien deviendrait la première source d'énergie en 2050, notamment grâce à la production en mer (environ 3.000 unités), avec le développement d'infrastructures flottantes. Sur terre, le parc serait multiplié par 2,1 par rapport à 2020, pour atteindre un total d'environ 19.000 éoliennes, « loin derrière les 30.000 déjà implantées en Allemagne », rappelle l'association. Résultat : en France, les géants à pales disposeraient d'une puissance installée de 99 GW (contre environ 17 GW aujourd'hui), et fourniraient pas moins de 304 TWh d'électricité par an. Alors que le développement de l'éolien fait débat en France, l'association par la voix d'un porte-parole, Marc Jedliczka, assure que « ce n'est pas une invasion comme certains veulent le faire croire.»
« On voit même que les riverains sont plus favorables encore à leur développement », commente-t-il, en s'appuyant sur un récent sondage de l'Ademe mené par Harris Interactive.
Le photovoltaïque viendrait après, grâce à sa « modularité exceptionnelle » et sa « grande diversité d'applications ». Concrètement, les panneaux solaires se développeraient à la fois sur des grandes friches industrielles ou des terrains délaissés impropres à l'agriculture, que sur des bâtiments ou les toits de maisons individuelles. Permettant d'offrir 140 GW de puissance d'ici à 30 ans (contre 11 GW aujourd'hui), et 185 TWh par an.
La biomasse trouverait aussi toute sa place, le bois utilisé pour l'énergie augmentant de près de moitié. Cependant, il n'y aurait pas de sylviculture dédiée, mais uniquement l'utilisation de « résidus des filières de production de bois-matériaux, des industries de transformation, ou de la consommation ».
Enfin, le gaz ne serait pas exclu. Car il permettrait de pallier à l'intermittence des énergies renouvelables, et de lisser la consommation. Mais celui-ci serait uniquement « vert », c'est-à-dire produit par méthanisation à partir de résidus de cultures, de déjections d'élevage, de biodéchets et de couverts végétaux. « On estime le potentiel de biogaz agricole à 140 TWh », précise Christian Couturier, membre de l'association et directeur de Solagro. Un objectif inférieur à celui de Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui estime le potentiel de production de biomasse agricole proche de 250 TWh à l'horizon 2050, afin de ne pas recourir massivement aux cultures dédiées.
Diviser par deux la consommation d'énergie
Surtout, pour y parvenir, le réseau d'experts entend s'attaquer au gaspillage énergétique, « à rebours des injonctions à produire et consommer toujours davantage, au mépris des limites planétaires ». In fine, la consommation d'énergie finale se trouverait divisée par deux en 2050 par rapport à aujourd'hui. Et ce, en s'attaquant à différents secteurs très polluants. « On pourrait réduire nettement les besoins énergétiques en rénovant efficacement les bâtiments », fait ainsi valoir le directeur de négaWatt, Stéphane Chatelin. Et passer de 30.000 à 800.000 rénovations thermiques globales par an d'ici 2030, en réalisant des travaux globaux plutôt que « par morceaux ».
Quant aux transports, qui restent le premier poste d'émissions de gaz à effet de serre en France, l'électrification ne serait pas l'alpha et l'oméga, estime-t-il. Car si la voiture électrique doit être encouragée (et complétée par de l'hybride biogaz pour éviter trop de recours au lithium), il faut d'abord réduire le trafic routier. L'association identifie ainsi plusieurs leviers : s'attaquer aux déplacements contraints, inciter au report modal vers d'autres transports, et promouvoir le covoiturage courte distance, par exemple. Et pointe deux mesures « prioritaires » : un investissement massif dans des alternatives au transport routier motorisé, et la mise en place d'une redevance kilométrique sur le fret.
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