Pourquoi construire des EPR coûterait moins cher que le tout renouvelables, selon RTE

Le gestionnaire de réseau RTE a chiffré l’impact économique et environnemental de six scénarios électriques à 2050. La balance économique penche vers les options comprenant le plus de nucléaire.

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Pourquoi construire des EPR coûterait moins cher que le tout renouvelables, selon RTE
Le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE a été présenté le 25 octobre 2021 par Xavier Piechaszyk, président directoire (Centre) et Thomas Veyrenc, directeur stratégie et prospective (à gauche).

C’est l'une des pièces maîtresses du dossier du nouveau nucléaire en France. Comme le lui a demandé le gouvernement, le gestionnaire de réseau RTE a publié le 25 octobre le rapport Futurs énergétiques 2050. Il chiffre l’impact économique et environnemental de six scénarios pour le mix électrique à 2050, dont trois avec du nouveau nucléaire et trois sans construction de nouveaux réacteurs. Il vient compléter, sur la table d’Emmanuel Macron, qui veut depuis 2018 en faire un sujet pour la campagne présidentielle de 2022, le rapport d’EDF sur la construction rapide de six EPR 2, une version optimisée industriellement de l’EPR de Flamanville (Manche).

Contrairement à celui de négaWatt qui inclut toutes les formes d’énergies renouvelables, y compris les gaz et carburants verts pour satisfaire la demande d’énergie finale, les six scénarios de RTE sont uniquement centrés sur la production d‘électricité en fonction d’une demande d’électricité qui va nettement augmenter pour remplacer les énergies fossiles. Elle devant elle passer, grâce à l’efficacité énergétique, de 1 600 TWh aujourd’hui dont 25 % d’électricité (460 TWh), à 930 TWh en 2050 dont 55 % d’électricité en moyenne. RTE table donc sur une consommation de 645 TWh d’électricité en 2050 dans son scénario de référence. 

Six scénarios crédibles

Il a également étudié les conséquences d’un scénario de sobriété à 555 TWh, proche de celui de négaWatt (530 TWh), et de celui d’une réindustrialisation profonde, avec une industrie à 12 à 13 % du PIB, qui consommerait 755 TWh, ainsi que des variantes entre les deux, d’électrification rapide (700 TWh), moindre électrification (578 TWh), d’efficacité énergétique moindre (714 TWh) et de beaucoup d’hydrogène.

 

Pour couper court aux polémiques sur «un sujet complexe sur lequel  il n'est pas possible de débattre en quelques signes sur les réseaux sociaux», Xavier Piechaszyk, le président du directoire de RTE, tient à rappeler que ces six scénarios, ainsi que les variantes, permettent tous «de garantir l’approvisionnement en électricité de la France», même ceux visant le 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2050-2060. Et qu’ils sont tous «compatibles avec l’ambition de la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050». Les modèles, qui tiennent compte des évolutions du climat, avec les périodes sans vent et/ou d’extrême sécheresse suivant les scénarios 4.5 et 8.5 du GIEC, simulent «le fonctionnement du système électrique européen à chaque heure de chaque année pendant 30 ans». Un «travail sérieux», pense Xavier Piechaszyk, qui a nécessité d’énormes capacités de calcul.

Comparer les coûts complets

Sauf que RTE n’a pu réaliser l’impact économique, et environnemental, sur les six scénarios qu’avec son hypothèse de référence à 645 TWh. Mais il l’a mesuré sur les coûts complets pour le système énergique, en incluant les coûts de réseaux (distribution et transport), de flexibilité du système, y compris le stock et la construction ou la conversion d’unité de production thermique de pointe à base de gaz décarboné (biogaz ou hydrogène) et les coûts de construction et de maintenance des énergies renouvelables et nucléaires. «Débattre sur le coût de telle ou telle technologie n’a pas de sens. L’important c’est le coût complet pour le système électrique», explique le président de RTE.

Pour calculer ces coûts, RTE a retenu un coût moyen du capital de 4 % pour toutes les technologies, nucléaires et renouvelables. Les hypothèses de coûts viennent «de base de données nationales et internationales et, pour le nouveau nucléaire des audits réalisés par l’État», précise Thomas Veyrenc, directeur stratégie et prospective de RTE. Pour les petits réacteurs modulaires, prévus dans le scénario à 50 % de nucléaire en 2050, le maximum, mais non encore commercialisé, RTE a repris «le coût d’une tête de série d’EPR». Les coûts de gestion des déchets et du démantèlement sont aussi intégrés avec «une approche prudente systématique notamment sur aval du cycle».

 

Résultat : les coûts complets annualisés des scénarios à l’horizon 2060 vont de 59 à 80 milliards par an pour 645 TWh d’électricité, contre 45 milliards d’euros par an aujourd’hui pour 460 TWh. Le moins coûteux est le scénario NO3, le seul à permettre de rester à 50 % de nucléaire grâce à la construction de 14 EPR, quelques SMR, mais aussi une multiplication par 7 du parc solaire à 70 GWH, de 2,5 du parc éolien terrestre à 43 GW et la construction de 22 GW d’éolienne en mer.

Des incertitudes sur tous les scénarios

Le scénario le plus coûteux est le scénario M1, sans nouveau nucléaire, mais avec encore 16 GW de nucléaire historique et 20 GW de centrales à gaz décarboné (biogaz ou hydrogène), 21 GW de batteries, 214 GW de solaire (x22), 59 GW d’éolien terrestre (x3,5) et 45 GW d’éolien en mer. Sachant que les six scénarios comprennent 22 GW d’hydraulique, entre 0 et 3 GW d’énergies marines, 2 GW de bioénergies, 8 GW de et 39 GW d’imports.

Mais tous les scénarios  ne se valent pas en termes d’incertitudes technologiques et industrielles, comme le rythme de développement des renouvelables, les moyens de flexibilité à ajouter (jusqu’à 60 centrales hydrogène), la prolongation de certains réacteurs nucléaires à 60 ans et au-delà, la construction de nombreux réacteurs en même temps et de SMR.

 

Les deux scénarios les moins incertains sont le M23, sans nouveau nucléaire et avec plus de grands parcs de renouvelables notamment d’éolien en mer et moins de solaire distribué, et le scénario N2, avec 36 % de nucléaire mais sans SMR. L’écart de coût annuel est là de 10 milliards d’euros par an, mais pourrait se réduire à 0 ou grimper à près de 16 milliards si le coût de certaines technologies, d'énergies ou de financement, dérivait.

Quel que soit le scénario, l’impact en matière d’artificialisation des sols resterait marginal, comparé à l’urbanisme et la route par exemple. Et le rapport de RTE ne présente pas vraiment de volet social, mais a prêté attention à l'impact matières premières. Là, les enjeux seraient moins les terres rares que le cuivre, le nickel, le lithium ou le cobalt, et seraient beaucoup moins lourds dans un scénario de sobriété.

Alimenter le débat

Reste qu’il ne s’agit que de prospective et non de prévision. Et que l’avenir énergétique de la France devra, à partir de 2023, faire l’objet d’une loi de programmation, comme pour la défense ou la recherche, et ne plus être uniquement fixé par décret comme c’est le cas avec la programmation pluriannuelle de l’énergie. Même si la décision de construire de nouveaux réacteurs restera politique, les quelque 600 pages du rapport Futurs énergétique 2050, qui détaille scénarios, hypothèses et bases de calculs, devraient permettre de sortir du débat idéologique.

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