Emmanuel Macron, en déplacement à Belfort jeudi 10 février pour présenter sa stratégie énergétique, a fait le choix de la réindustrialisation du pays et de la technologie, en l'occurrence, le nucléaire. Il annonce le lancement de six nouveaux EPR, le premier entrant en service en 2035 et laisse la porte ouverte à la construction de huit réacteurs supplémentaires. Le Président a également détaillé ses perspectives en matière de renouvelables, misant surtout sur l'éolien en mer et le solaire. 

"La France, par la stratégie dont elle se dote, fait le choix du progrès, de la confiance en la science et en la technologie. La France fait le choix du climat, en se donnant les moyens d’atteindre ses objectifs de réductions des émissions de gaz à effets de serre, et d’être une des plus grandes nations à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. La France fait le choix de l’industrie et de l’emploi" a déclaré Emmanuel Macron, en déplacement à Belfort jeudi 10 février, pour présenter sa feuille de route énergétique.
Alors que le gestionnaire du réseau électrique RTE avait présenté, en octobre dernier, six trajectoires de décarbonation d’ici 2050, incluant plus ou moins de renouvelables ou de nucléaire, Emmanuel Macron semble avoir opté pour celle qui contient le plus de nucléaire (50 % du mix énergétique) et le moins de renouvelables (50% du mix énergétique) sans qu’il n’ait toutefois confirmé ces seuils. Son allocution doit ainsi marquer "la renaissance du nucléaire français" après une période "de glaciation suite à l’accident de Fukushima" a-t-il expliqué.
Le Président a annoncé la construction sur le territoire de six EPR2 (EPR de deuxième génération plus simple et moins coûteux que l’EPR de Flamanville actuellement en construction) et le lancement d’études de mises en chantier pour huit EPR2 additionnels. La mise en service du premier réacteur est prévue pour 2035, a-t-il annoncé. Il devrait être construit sur la centrale existante de Penly, en Seine-Maritime, selon EDF.

"Technologie incertaine"


Emmanuel Macron a également annoncé le "prolongement de tous les réacteurs nucléaires actuellement en service qui peuvent l’être sans rien céder sur la sûreté, au-delà de 50 ans". Une volte-face par rapport aux objectifs d’en fermer une douzaine d’ici 2035. Il lance en outre un appel à projet d’un milliard d’euros pour "faire avancer les petits réacteurs modulaires de type SMR et des réacteurs innovants qui produisent moins de déchets". Au total, ces décisions devraient aboutir à la mise en service de "25 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d’ici à 2050", contre 60 GW pour le parc nucléaire existant.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. "Une décision unilatérale, un calendrier aberrant, un financement absent, le tout sur une technologie incertaine, voilà le résumé de cette annonce irresponsable" commente Nicolas Nace, de Greenpeace France. L’ONG demande un moratoire sur le chantier de l’EPR de Flamanville, qui accuse plus de dix ans de retard et présente une facture multipliée par quatre. Du côté de Yannick Jadot, le candidat d’EELV, on dénonce l’argument selon lequel le nucléaire serait synonyme "d’indépendance énergétique": "Il ne m’a pas semblé qu’on avait encore des mines d’uranium dans notre pays, l’uranium, on va l’extraire au Niger, au Kazakhstan, en Ouzbékistan", a affirmé le candidat écologiste.  

Le solaire et l’éolien en mer en priorité


Si Emmanuel Macron a fait le choix d’une relance du nucléaire, il estime que la décarbonation de notre mix énergétique ne pourra pas se faire sans les énergies renouvelables, "le seul moyen de répondre à nos besoins électriques immédiatement" a-t-il dit, tout en reconnaissant le retard pris par la France. Le chef de l’État met la priorité sur le solaire, "qui s’intègre plus facilement dans le paysage". Il prévoit de multiplier par dix la puissance actuelle pour dépasser les 100 gigawatts (GW) d’ici 2050, avec un "équilibre entre des installations au sol et sur toitures."   
Il mise également sur l’éolien en mer, avec une cinquantaine de parcs d’ici 2050 pour une puissance de 40 GW. "Cela passe par une planification maritime des zones de développement en concertation notamment avec les pêcheurs" a-t-il déclaré. Enfin, sur l’éolien terrestre, qui concentre actuellement le plus de critiques, il affiche des objectifs volontairement "moins ambitieux" avec un doublement de la puissance actuelle non plus d’ici 2030 mais d’ici 2050, soit 37 GW. Le scénario RTE le plus favorable au nucléaire (N03) prévoit 70 GW de solaire, 22 GW d’éolien en mer et 43 GW d’éolien terrestre en 2050.  
Le Président de la République a enfin accordé une large place dans son discours à la baisse de la consommation d’énergie – c’était même son propos introductif – avec l’objectif de la réduire de 40 % en trente ans. Cela passe selon lui par la rénovation des logements, l’électrification du parc automobile, la décarbonation de l’industrie ou encore l’hydrogène décarboné, "et non pas en pratiquant la privation, l’austérité énergétique" a-t-il tenu à préciser. Le choix de la sobriété est clairement écarté, au profit d’une réindustrialisation, car si le mot a été lâché, certains experts ironisent sur le fait qu’il s’agissait seulement d’une confusion avec l’efficacité énergétique. Une large concertation publique sur l’énergie est annoncée au second semestre 2022.           
Concepcion Alvarez @conce1

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