Un article publié dans la revue Nature Sustainability par des chercheurs de l’université d’Aarhus (Danemark) et de l’université des sciences et technologies de Djeddah (Arabie Saoudite) explique comment la culture d’algues marines peut participer à la lutte contre les changements climatiques, la perte de biodiversité, le chômage, la famine et les dommages environnementaux. Rien que ça !

En occident, les algues marines ont souvent une mauvaise réputation, principalement dans les stations balnéaires où elles souillent les plages et importunent les baigneurs.  Pourtant, des scientifiques de l’université d’Aarhus et de l’université des sciences et technologies du roi Abdallah (KAUST) de Djeddah pensent que la culture et la consommation d’algues à grande échelle pourraient aider à la protection et la restauration de notre planète tout en produisant des aliments et en générant des emplois et des recettes fiscales.

« Notre recherche consolide la culture des algues en tant que fondement d’un avenir durable », explique le professeur Carlos Duarte, auteur principal de l’étude. « Leur production dans le monde pourrait être multiplié par 2 000. Elles génèrent des produits utiles tout en contribuant à la séquestration du carbone, elles peuvent fournir des combustibles durables et elles remplacent des produits à forte intensité de carbone. Elles offrent ainsi une variété de contributions à l’action climatique », ajoute-t-il.

Les algues sont des végétaux qui, comme les plantes terrestres, possèdent le fameux pigment vert appelé chlorophylle. Il donne au monde végétal dans son ensemble sa couleur verte dominante, mais il lui procure aussi un avantage extraordinaire : il suffit aux végétaux d’un peu d’eau, de lumière et de dioxyde de carbone (CO2) pour se nourrir. Tout comme les autres plantes, les algues capturent donc le carbone et l’énergie solaire, qu’elles emmagasinent et qu’elles peuvent nous restituer par combustion ou transformation chimique.

« Les algues peuvent fournir des matériaux merveilleux pour une variété d’applications, grâce à leur incroyable diversité, car certaines sont aussi éloignées sur le plan génétique que les champignons et les éléphants. Cette diversité est une source potentielle de nouveaux matériaux biosourcés pour une variété d’industries, de la production de nourriture à celle de carburants et de plastiques », précise Carlos Duarte.

À lire aussi Des carburants pour voler « vert »

Nombreux avantages

Dans plusieurs pays d’Asie comme la Chine, le Japon, la Corée ou l’Indonésie, les algues font partie des aliments traditionnels depuis des millénaires. Les avantages de cette culture sont nombreux : elle ne mobilise pas de surfaces agricoles et ne nécessite pas d’engrais ni d’eau douce. L’intérêt nutritionnel des algues marines est aussi indéniable : elles sont riches en protéines (8 à 47 % du poids sec), en minéraux, en vitamines et en fibres, et leur teneur en iode est importante.

En 2018, la consommation mondiale d’algues alimentaires dépassait les 15 millions de tonnes, dont 93 % proviennent de l’algoculture. En France, leur production, essentiellement localisée en Bretagne, ne dépasse pas 100.000 tonnes par an, mais elle est en continuelle progression.

En Europe de plus en plus de petits producteurs se lancent dans cette diversification de notre alimentation, mais les endroits appropriés le long du littoral sont rares et cette activité, qui entre en concurrence avec le tourisme, n’est pas vue d’un bon œil par les populations et les édiles locaux.

Promouvoir la culture d’algues

Les scientifiques d’Aarhus et de Djeddah estiment que la production d’algues marines dans le monde devrait être promue et soutenue. « Actuellement, les fermes d’algues s’étalent sur environ 2000 kilomètres carrés alors que 60 millions de kilomètres carrés de terres sont consacrés à la production alimentaire. Nous estimons qu’environ 4 millions de kilomètres carrés dans les mers et sur les rivages pourraient être consacrés à l’aquaculture des algues tout en produisant des impacts positifs sur le milieu marin. Cela correspondrait à une multiplication par 2000 de la surface  actuellement consacrée aux fermes d’algues sur la planète. Dans le cadre de la COP26, nous considérons que le développement des cultures d’algues peut jouer un rôle important dans la régénération de nos océans et l’action climatique tout en réduisant la faim et la pauvreté », déclare M. Duarte.

Malheureusement, cet objectif rencontre des obstacles dans le monde entier, car les réglementations, principalement en occident où la culture des algues est encore balbutiante, ne sont pas adaptées. « Comme la culture d’algues est une nouvelle industrie dans les nations occidentales, les cadres réglementaires existants ne facilitent pas son développement. Dans certains pays, il est plus facile d’obtenir une concession pour des forages offshore de pétrole et de gaz que pour une ferme d’algues. Créer un environnement réglementaire plus convivial qui encourage plutôt que décourage l’élevage d’algues, sera essentiel pour réaliser son potentiel », indiquent les chercheurs.

Production d’algues dans les parcs éoliens et photovoltaïques en mer du nord

Wier & Wind, un consortium belgo-néerlandais utilise l’espace libre entre les turbines d’un parc offshore pour y tester la production d’algues alimentaires. La culture et la récolte de ces végétaux peut en effet s’envisager comme une activité complémentaire à la gestion quotidienne des éoliennes. « Presque tous les jours, un bateau met le cap vers le parc éolien pour des opérations de maintenance, des inspections techniques ou des interventions urgentes. Si la récolte et l’entretien doivent être effectués dans la ferme d’algues, ces opérations peuvent avoir lieu en même temps », précise un communiqué publié par le consortium.
Pour tester cette culture pendant deux ans, Wier & Wind a choisi la ferme offshore Norther située en mer du Nord. Avec ses 44 turbines s’étendant sur 44 km2, il s’agit du plus grand des 9 parcs offshore construits dans les eaux territoriales belges.

Au large de La Haye aux Pays-Bas, deux sociétés se sont aussi associées pour développer une solution combinant production d’énergie et de nourriture. Oceans of Energy et The Seaweed Company ont installé une plateforme flottante recouverte de panneaux photovoltaïques qui abrite des bassins pour la culture d’algues comestibles.
L’installation devrait produire 15 tonnes d’algues chaque année et absorber au passage 1,8 tonnes de dioxyde de carbone. Grâce aux cellules solaires, elle développe en parallèle une puissance électrique maximale de 50 kW.

À lire aussi Pourquoi cette centrale solaire flottante est en si mauvais état ? À lire aussi Parcs éoliens offshore : un paradis pour les poissons, crabes, moules et autres espèces marines