La commission nationale du débat public (CNDP) vient d’annoncer l’ouverture du débat sur la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires. Mais à quoi sert-il vraiment ?

Le Président de la République avait indiqué lors de son discours de Belfort du 10 février 2022 un plan de construction de 6 nouveaux EPR 2 d’ici 2050, avec une première mise en service autour de 2035. La construction de 8 EPR 2 supplémentaires devait également être étudiée.

Dans ce contexte, la CNDP annonce l’ouverture du débat sur la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires (dont les deux premiers sont prévus sur la centrale actuelle de Penly), à partir du 27 octobre 2022. Présidé par le haut-fonctionnaire et polytechnicien Michel Badré, le débat abordera les dix questions suivantes :

À quoi sert ce débat ?
Avons-nous besoin d’un nouveau programme nucléaire ?
Qu’est-ce que l’EPR 2, et peut-on faire du nucléaire autrement ?
Que s’est-il passé à Flamanville et quels enseignements en a-t-on tiré ?
Quelles conditions et conséquences du projet Penly sur le territoire et l’environnement ?
Quelles conditions et conséquences du projet Penly et du programme sur le travail et l’emploi ?
Quel coût, quel financement, quelles conséquences sur les utilisateurs ?
Quelle prise en compte des incertitudes climatiques et géopolitiques ?
Comment décider, au nom de et avec la société, sur les questions nucléaires ?
Que voulons-nous transmettre à l’issue de ce débat ?

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La France à la croisée des chemins sur l’énergie

Le débat durera 4 mois. Pour Michel Badré, « la possibilité de débattre publiquement et collectivement de la relance du nucléaire en France, à un moment où la décision n’est pas encore prise, est inédite ». La France est en effet à la croisée des chemins sur le plan énergétique. Son parc nucléaire est vieillissant et le pays doit choisir dès aujourd’hui le mix électrique qu’il souhaitera avoir dans plusieurs décennies.

Une chose est certaine selon les dernières projections de RTE : la part du nucléaire sera nettement moins élevée qu’aujourd’hui et les renouvelables seront bien plus impliquées. Il reste à déterminer l’équilibre exact.

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Pour certains opposants au nucléaire, ce débat ne serait qu’une mascarade et y participer reviendrait à donner son accord sur la poursuite de la filière. Il est vrai que le nucléaire est un sujet de vives polémiques et le débat public n’a pas pour vocation de réunir les différentes parties autour d’un projet commun. Il est en effet peu probable que l’institution parvienne à réconcilier les participants.

L’idée sera plutôt de mettre en commun les différents arguments pour tenter de traiter le sujet de l’avenir du nucléaire français de façon la plus objective possible, et de façon dépassionnée. Mais est-ce seulement possible ? La tâche s’annonce ardue. Toutefois, l’occasion est assez inédite et ne pas participer à ce débat reviendrait à rater l’occasion de prendre du recul et d’échanger sereinement autour d’une question cruciale pour l’avenir énergétique du pays.

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Pourquoi le débat public n’est pas inutile

Même si le Président de la République a déjà annoncé ses intentions sur le nucléaire à Belfort et qu’il est peu probable que le fruit du débat public puisse lui faire modifier sa trajectoire, certains ajustements devraient être possibles grâce à ce débat. L’idée est de pouvoir mettre en avant des arguments permettant d’éclairer les parlementaires, lorsqu’il sera temps pour eux de se prononcer sur le sujet.

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Ce débat devrait être complété par une concertation nationale sur le système énergétique de demain, qui devrait se dérouler prochainement sous l’égide du gouvernement (et non de la CNDP qui veillera toutefois au bon déroulement du processus).

Enfin, rappelons un exemple récent des conséquences d’un débat public. Les recommandations du CNDP ont conduit le gouvernement, en juillet dernier, à revoir le périmètre du parc éolien offshore prévu au large de l’île d’Oléron. Le débat public peut donc avoir son utilité et permettre de faire bouger les lignes, dans une certaine mesure bien sûr.

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