BFM Business
Economie

EDF va engranger des superprofits grâce à la crise énergétique

Le groupe va profiter à plein de la flambée des prix sur le marché de l’électricité. Ses bénéfices, déjà élevés en 2021, vont exploser l’an prochain. L’Etat compte dessus pour compenser les efforts budgétaires à venir.

Tout le monde ne souffre pas de la crise énergétique. Si les consommateurs vont subir la hausse des prix de marché, les producteurs en profitent. Et EDF, premier producteur d’électricité en Europe, va engranger des bénéfices record. Un quart de sa production électrique -nucléaire et hydraulique- est vendu au prix de marché et va bénéficier à fond de la crise. Un autre quart est, en revanche, vendu à "prix cassé" de 42 euros le mégawattheure à ses concurrents. La moitié restante, qui alimente les consommateurs français a une exposition réduite au marché. La règlementation, qui impose un tiers de taxes et un tiers de coût de transport, ne laisse que 15% de la facture finale dépendante des prix de marché. Ainsi, l’UFC Que Choisir estime qu’à date, le consommateur subirait une augmentation de prix de 10%.

Du coup, tous les investisseurs revoient à la hausse les prévisions de bénéfices d’EDF pour les années à venir. Cette année, les analystes prévoient qu’ils dépasseront 5 milliards d’euros, ce que confirme à BFM Business un bon connaisseur de l’entreprise. La direction d’EDF ne commente pas, mais confirme que ses marges s’approcheront de 18 milliards d’euros contre 16 milliards l’an passé. Les estimations sont précises car l’essentiel de la production d’électricité d’EDF est vendue l’année précédente. Ainsi, en décembre 2020, EDF a signé des contrats de vente à terme pour 2021. A l’époque, les prix de vente étaient un peu supérieurs à 50 euros, loin des prix actuels.

Les dividendes pour financer l’effort budgétaire

Dans deux mois, EDF saura à quel prix il vendra sa production pour 2022. Alors que les prix de vente à terme ont atteint 120 euros ces jours-ci, et ne devraient pas s’effondrer d’ici la fin de l’année, le groupe va exploser ses records. Selon plusieurs analystes, les profits atteindraient près de 7 milliards d’euros en 2022, battant le record historique de 5,6 milliards d’euros réalisés en…2005, juste après son introduction en Bourse. En 2023, les prix devraient baisser à environ 80 euros et les bénéfices s’ajusteront autour de 6 milliards d’euros.

Pour le gouvernement, être actionnaire à 84% d’EDF en cette période est salutaire. Il espère récupérer les précieux dividendes de ces résultats records. "Les niveaux importants de bénéfices pourraient permettre à EDF de reprendre le versement du dividende en cash" explique Louis Boujard, analyste chez Oddo. Cela fait cinq ans qu’EDF garde son cash pour se renflouer et verse à l’Etat des dividendes en actions. Le groupe devrait remonter la moitié de ses profits à ses actionnaires, soit environ 2 milliards d’euros pour l’Etat. "Les dividendes versés par EDF à l’Etat et l’impôt sur les sociétés couvriront presque intégralement dans les finances publiques une prise en charge par l’Etat de la flambée des prix de l’énergie cette année", ajoute Louis Boujard.

Ne pas absorber toute la hausse

Tout l’enjeu est là: les dividendes d’EDF seront bienvenus pour financer l’effort budgétaire que l’Etat devrait faire pour limiter la hausse des prix de l’énergie pour le consommateur. D’abord sur le gaz qui a augmenté de 40% ces six derniers mois. Et surtout l’électricité qui concerne 22 millions de foyers. La piste la plus étudiée consiste à réduire pour 2022 les taxes sur l’électricité qui pèse un tiers de la facture et sur le gaz, qui représentent 27%. "Le gouvernement ne veut pas faire comme l’Italie et toucher à la TVA qui est trop symbolique, mais plutôt aux taxes spécifiques" explique un dirigeant du secteur.

Selon un proche du gouvernement, l’exécutif n’a pas l’intention de réduire la hausse attendue de 10% à zéro mais de moitié. "Il veut envoyer le message qu’il aide les ménages car l’impact est très fort mais aussi qu’ils doivent s’habituer à la tendance des prix élevés de l’énergie" ajoute cette source.

Selon un spécialiste du secteur, un effort budgétaire de 1,5 milliard d’euros permettrait de réduire fortement la hausse des prix de l’électricité, qui serait inférieure à 5%, si l’on prend en compte les prix de marché actuels. Un autre outil vise à étaler les hausses de prix sur plusieurs trimestres afin de lisser l’impact pour les ménages. L’effort budgétaire ne sera que pour l’année 2022. En revanche, le retour des généreux dividendes d’EDF pour l’Etat vont durer au moins trois ans.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business