Les exploitants nucléaires français mettent-ils tout en œuvre pour éviter une saturation de l’usine de retraitement de La Hague (Manche) et un blocage de toute la filière ? La question préoccupe les professionnels et les autorités depuis une vingtaine d’années. Elle devient désormais urgente, l’engorgement des capacités d’entreposage des combustibles usés étant prévu pour l’horizon 2030.
Début juin, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a renouvelé ses mises en garde et appelé les exploitants, EDF et Orano, à « prendre le sujet en main pour aboutir au plus tôt à la création de capacités d’entreposage ».
Le calendrier, sur ce sujet, ne sera pas respecté, a déjà annoncé Bernard Doroszczuk, le président du gendarme du nucléaire. En avril 2017, EDF avait transmis un premier dossier pour un projet de piscine d’entreposage centralisé de combustibles usés. La demande d’autorisation de création de cette installation aurait dû être déposée d’ici à fin 2020. « Cela ne sera pas le cas », a fait savoir M. Doroszczuk, qui déplorait, dans un entretien au Monde le 28 mai, un « déficit de culture de précaution » dans la filière nucléaire.
EDF reste extrêmement discret sur le sujet et assure que les discussions techniques avec l’ASN se poursuivent. « Le dossier n’est pas en stand-by », se contente de répéter l’entreprise. Chaque année, l’électricien « décharge » environ 1 150 tonnes de combustible usé de ses réacteurs : après avoir été refroidi quelques années dans les piscines de chaque centrale, il est acheminé jusqu’aux usines d’Orano (ex-Areva) à La Hague. Là, il est à nouveau immergé pour continuer à refroidir avant d’être retraité.
Agir maintenant
Fin 2019, selon Orano, 9 800 tonnes étaient entreposées dans les quatre piscines de La Hague, d’une capacité maximale de 14 000 tonnes. Deux cents « paniers », dans lesquels sont placés les assemblages de combustibles, sont vides, soit environ 7 % de l’espace total. « On n’a pas de problème de stockage particulier jusqu’en 2030, mais on aura besoin de capacités complémentaires à ce moment-là », confirme Jean-Michel Romary, directeur « maîtrise d’ouvrage démantèlement et déchets » chez Orano.
« L’horizon 2030 peut paraître loin mais comme une dizaine d’années sont nécessaires pour créer une installation, il faut commencer à agir maintenant pour ne pas avoir de problème ensuite », précise Thierry Charles, le directeur général adjoint chargé de la sûreté nucléaire à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – le bras technique de l’ASN.
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