Après sept années de débats et de controverses, Tepco, l’opérateur de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi, a annoncé mercredi 25 août qu’il allait rejeter dans l’Océan plus d’un million de tonnes d’eau actuellement stockées via un tunnel sous-marin.

Le gouvernement japonais avait déjà décidé en avril dernier de rejeter à la mer ces eaux issues de pluies, des nappes souterraines ou des injections nécessaires pour refroidir le cœur des réacteurs nucléaires entrés en fusion après le gigantesque tremblement de terre de mars 2011 qui avait provoqué un tsunami dévastateur.

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Le défi est gigantesque et le temps presse car l’eau s’accumule depuis dix ans et est stockée dans plus d’un millier de citernes sur le site de la centrale. Les limites de la capacité de stockage sur place pourraient être atteintes dès l’automne 2022, selon Tepco.

L’eau destinée à être relâchée dans cette opération qui pourrait prendre des décennies a déjà été filtrée à plusieurs reprises pour être débarrassée de la plupart de ses substances radioactives (radionucléides) mais pas du tritium, lequel ne peut pas être éliminé avec les techniques actuelles (filtrage et traitement chimique).

« Le danger est extrêmement faible »

« En réalité, les centrales nucléaires en général rejettent toutes très légèrement du tritium et du carbone 14 », assure Jean-Christophe Gariel, directeur général adjoint à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en charge de l’environnement et de la santé.

« Mais la grande différence poursuit-il, c’est que l’eau de Fukushima touche directement le combustible pour le refroidir. Cette eau très contaminée est alors filtrée pour en retirer tous les nucléides et les Japonais sont arrivés à un niveau de tritium et de carbone 14 minime. C’est négligeable et à mes yeux le danger est extrêmement faible car il est même inférieur aux rejets normaux d’avant la catastrophe ».

Ce dont doutent les militants de Greenpeace qui demandent un processus de filtrage encore plus efficace. À ce jour, sur les 1 274 millions de mètres cubes d’eau stockée, les Japonais en ont totalement filtré 30 % qu’ils vont encore diluer par un processus spécial. « Et une fois rejetée, cette eau sera encore diluée dans la mer », veut rassurer Jean-Christophe Gariel. Mais cela prendra des années.

Reste à savoir si l’eau qui sera acheminée au moyen d’un conduit sous-marin de 2,5 m de diamètre à un kilomètre dans l’océan (dont la construction commencera en mars 2022) garantira une meilleure sécurité de l’environnement proche des côtes. Selon le directeur de la filiale de Tepco chargée du démantèlement de la centrale, Akira Ono, « le recours à tel dispositif devait éviter que l’eau ne revienne vers la côte ».

Ce qui représente le plus grand danger aux yeux des pêcheurs et agriculteurs de la préfecture de Fukushima qui redoutent que cela n’affecte encore davantage l’image de leurs produits auprès des consommateurs.

Eviter la stigmatisation

Durant les jeux olympiques, les athlètes sud-coréens avaient apporté leur propre nourriture de Corée de crainte de devoir consommer des produits agricoles provenant de Fukushima. « De nombreuses centrales dans le monde évacuent l’eau de manières différentes en fonction de la géographie, des marées, des habitations voisines…, explique Jean-Christophe Gariel, il n’y a pas de règle. Mais cela n’a pas vraiment d’impact ».

Pour Tepco il s’agit peut-être d’une stratégie afin de rassurer les populations locales fatiguées d’être stigmatisées depuis plus de dix ans à cause de cette catastrophe.