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L’Allemagne en quête de solutions pour réduire sa dépendance au gaz russe
La Russie fournit 55 % des importations de gaz naturel allemandes. Dans le contexte de la crise ukrainienne, les industriels tentent de diversifier leurs approvisionnements.
Une grande dépendance au gaz russe… Le problème a été mis en lumière par la crise en Ukraine, mais l’Allemagne préfèrerait l’occulter. Début février, l’ancien vice-chancelier Sigmar Gabriel (SPD) faisait amende honorable dans l’hebdomadaire économique WirtschaftsWoche, en reconnaissant que « les dernières décennies, marquées par la dérégulation du marché de l’énergie, nous ont conduits à choisir le gaz le moins cher, celui fourni par le gazoduc russe ». Selon les statistiques du cabinet IHS Markit, celui-ci représente 55% des importations allemandes, devant les livraisons de la Norvège (30,6%) et des Pays-Bas (12,7%).
Une situation d’interdépendance héritée des relations privilégiées entretenues par les gouvernements successifs depuis les années 1970. C’est l’ancien chancelier Gerhard Schröder (1998-2005), président du comité d’actionnaires de Nord Stream 2 et qui pourrait entrer en juin au conseil de surveillance du gazier russe Gazprom, qui a été à l’initiative du gazoduc Nord Stream 1. Mise en service en 2011, cette canalisation sous la mer Baltique relie Vyborg, en Russie, à Greifswald, en Allemagne, et achemine chaque année quelque 55 milliards de mètres cubes de gaz. Elle est venue compléter deux autres gazoducs : Yamal, mis en service en 2003, pour 33 milliards de mètres cubes par an et Soyouz, qui transporte 146 milliards de mètres cubes par an via l’Ukraine.
Une semaine d’autonomie par grand froid
Début 2022, moins de la moitié du volume de gaz en provenance de Russie a été acheminé par rapport au début 2021.
Angela Merkel, elle, a soutenu la construction du projet controversé Nord Stream 2, jumeau de Nord Stream 1, qui suit le même tracé et permet d’en doubler la capacité. Et par là même de renforcer la dépendance de l’Allemagne envers son fournisseur principal. Le 22 février, l’Allemagne a suspendu l’autorisation de ce gazoduc après la reconnaissance par Vladimir Poutine de l’indépendance des territoires séparatistes dans l'est de l'Ukraine. D’autant que pour accroître la pression, Moscou a bridé ses livraisons au strict minimum de ce qui est prévu contractuellement. « Début 2022, moins de la moitié du volume de gaz a été acheminé de Russie par rapport au début 2021 », analyse Anke Herold, la directrice de l’Institut d’écologie appliquée (Öko-Institut), à Fribourg-en-Brisgau. Le 30 janvier, les réservoirs allemands étaient remplis à moins de 40%. Soit à peine de quoi tenir une semaine de grand froid.
© L'Usine Nouvelle
Aux premières loges, l’industrie, plus grande consommatrice de gaz naturel (38,5% des volumes), devant les ménages, observe la situation avec attention. « La disponibilité du gaz naturel est importante pour notre activité, car c’est à la fois une source d’énergie et une matière première essentielle, décrit Thomas Nonnast, porte-parole du groupe BASF. Nous avons conclu avec différents fournisseurs des contrats de livraison à long terme, dont la tarification est fondée sur les prix spot. Afin d’éviter toute perturbation dans l’approvisionnement, nous travaillons en étroite collaboration avec eux ainsi qu’avec les exploitants de réseau et, le cas échéant, avec les autorités publiques. Nous suivons aussi de près les mesures prises par l’Union européenne et par les gouvernements. »
Jusqu’à présent, la Russie a toujours livré, y compris cet hiver. S’approvisionner auprès de cette source n’était pas un jeu de hasard. C’était fiable et bon marché.
Pour autant, Siegfried Russwurm, le président de la BDI, la fédération de l’industrie allemande, refuse de voir la sécurité énergétique du secteur menacée. « Jusqu’à présent, la Russie a toujours livré, y compris cet hiver, rassure-t-il. S’approvisionner auprès de cette source n’était pas un jeu de hasard. C’était fiable et bon marché. » Cependant, il admet que la question d’une meilleure répartition des importations se pose. Un changement de ton partagé par les milieux politiques. Outre l’Azerbaïdjan, « il existe une possibilité théorique de nous approvisionner par un gazoduc depuis l’Afrique du Nord, a répondu Robert Habeck, le ministre de l’Économie et du Climat, à une question parlementaire. Et si ce n’est pas le cas, il faudra acheter davantage de gaz naturel liquéfié (GNL). »
Jusqu’à trois projets de terminaux GNL
L’Allemagne a longtemps repoussé la construction de ses propres terminaux d’importation de GNL, en raison du coût élevé de ces infrastructures. D’autre part, le GNL étant plus cher que le gaz de gazoduc, son volume d’importation restait limité. Pour l’heure, il passe par les ports de Zeebrugge (Belgique) et de Rotterdam (Pays-Bas). Ce ne sont pourtant pas les projets qui manquent. Trois villes côtières de la mer du Nord sont en lice : Wilhelmshaven, Brunsbüttel et Stade, qui pourraient faire transiter 10 à 12 milliards de mètres cubes de GNL chacune.
Restés au point mort faute de volonté politique, ces plans sont aujourd’hui remis sur la table, mais ils ne seront pas opérationnels avant 2026. Un axe de réflexion à plus court terme passerait par la création d’une réserve stratégique nationale, alors que Gazprom contrôle actuellement jusqu’à 25% de la capacité de stockage allemande. « Cela permettrait de se prémunir d’une trop grande volatilité, précise Anke Herold. On pourrait imposer par contrat des niveaux de remplissage minimum dans les réservoirs de gaz, comme c’est le cas pour le stockage du pétrole, qui doit assurer 90 jours de consommation. » Une piste envisagée pour mieux préparer l’hiver prochain.
L’hydrogène ukrainien en remplacement
Avec un plan national de 9 milliards d’euros, l’Allemagne a placé l’hydrogène vert au cœur de sa stratégie de décarbonation de l’industrie. La question des importations sera cruciale. Le gouvernement a d’ores et déjà démarré des pourparlers avec l’Ukraine pour sécuriser ses approvisionnements. Le pays se positionne comme un producteur d’hydrogène vert à base d’énergie éolienne et projette de livrer 7,5 GW d’hydrogène à l’Union européenne à moyenne échéance.
Pour en capter une partie, l’Allemagne envisage la possibilité de le faire circuler via le gazoduc Soyouz-Transgaz qui traverse le pays. D’autant plus que celui-ci pourrait perdre une partie de ses volumes au profit de Nord Stream 2, si ce dernier venait à être mis en service. Dans tous les cas, des études sont en cours sur la compatibilité entre l’hydrogène et les canalisations en acier. En cas de conclusions positives, il ne faudrait alors convertir que les équipements en surface, comme les stations de compression, ce qui représenterait un investissement limité en comparaison de la pose de nouveaux pipelines. Berlin a également promis à Kiev 200 millions d’euros pour sa transition énergétique.
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