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Armes nucléaires : 50 ans après, quel bilan pour le traité sur la non-prolifération (TNP) ?

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Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) marque le 5 mars 2020 une double célébration : le 50e anniversaire de son entrée en vigueur et le 25e de sa reconduite pour une durée indéterminée.

Dans un monde plus incertain que jamais, ce traité est considéré comme une "pièce maîtresse" face au risque de prolifération nucléaire comme l'a souligné l'intervention devant le Conseil de sécurité de la Haute-Représentante des Nations unies pour les affaires de désarmement le 26 février 2020 alors que les tensions sont vives entre certains États.

Ainsi l’article VIII du TNP prévoit la tenue de conférences d'examen tous les cinq ans. Elles sont préparées au cours de trois comités annuels, étalées sur les années précédentes. La dixième conférence aura lieu au siège des Nations unies du 27 avril au 5 mai 2020.

Mais si certaines puissances nucléaires refusent, à l'heure actuelle, toute avancée significative pour mettre en œuvre le désarmement nucléaire, les pays non dotés de l'arme nucléaire commencent à contester cet immobilisme. D'ailleurs, en juillet 2017, 122 États des Nations unies ont adopté un traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Pour la première fois, la légitimité même de la possession de ces armes par les puissances nucléaires est mise en question. Ce traité est en cours de ratification. 

Éviter une course aux armements nucléaires

Toutefois, le contexte géopolitique international d'aujourd'hui est marqué par des défis majeurs dans le domaine de la non-prolifération avec :

  • le retrait en 2018 des États-Unis du Plan d’action global commun sur le programme nucléaire iranien ;
  • l’engagement diplomatique américain depuis 2018 en faveur de la dénucléarisation de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) ;
  • la suspension en 2019 de la part des États-Unis et de la Russie de l'application du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (FNI), conclu en 1987.

Avertissant du risque d’une course illimitée aux armements nucléaires, la Haute-Représentante a appelé les États à assurer le succès de la prochaine  conférence chargée d’examiner le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. "Échouer à adopter un document final (...) hypothéquera la valeur qu’octroient les États à ce Traité, remettra en cause son cycle d’examen et renforcera les divisions avec des conséquences terribles pour l’avenir", a-t-elle déclaré.

Certains ont appelé les États-Unis et la Russie qui se livrent à une épreuve de force à propos de leurs systèmes de missiles, à faire preuve de leadership en matière de désarmement nucléaire. D'autres demandent à relancer la "diplomatie du désarmement", voeux exprimé à l'issue d’une réunion de l’Initiative de Stockholm pour le désarmement nucléaire qui s'est tenue le 25 février 2020. 

Une demande de transparence et de désarmement nucléaire

En parallèle, depuis 2010 et la huitième conférence d’examen du TNP, la transparence est une donnée de plus en plus présente dans les demandes des États et de la société civile mais ces requêtes ne sont pas forcément suivies d'effets.

Les États-Unis et la Russie détiennent 90% des stocks d’armes nucléaires. Si l'état de leurs arsenaux sont connus (par les échanges de données dans le cadre du Traité New Start de réduction des armes stratégiques entré en vigueur en 2011 pour une durée de dix ans, soit jusqu'en 2021), le nombre exact d’armes atomiques possédées par les sept autres puissances nucléaires (Royaume-Uni, France, Chine, Israël, Inde, Pakistan, Corée du Nord) est incertain. 

Le TNP, un traité pour empêcher la prolifération des armes nucléaires

Selon le TNP, seules les puissances dotées de l'arme nucléaire en 1967 (États-Unis, URSS, Royaume-Uni, France et Chine) peuvent légalement la posséder. Il consacre ainsi le monopole des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies sur l'arme nucléaire qui acceptent pour leur part de ne pas transférer des armes, ainsi que de ne pas aider, encourager ou inciter un État non doté d'armes nucléaires, d'en fabriquer ou d'en acquérir. Pour leur part, les États non dotés d'armes nucléaires y renoncent explicitement, en contrepartie d'un accès facilité aux applications pacifiques du nucléaire. Enfin, les puissances nucléaires s'engagent à cheminer vers le désarmement nucléaire.

Mais si on comptait cinq puissances nucléaires en 1968, elles sont neuf en 2020. La politique de non-prolifération n'a finalement pas empêché Israël, l'Inde et le Pakistan d'accéder à la bombe, les trois pays n'ayant pas adhéré au TNP. Le cas de la Corée du Nord, qui a pu bénéficier des applications civiles du nucléaire dans le cadre du TNP avant de s'en retirer en 2003, est problématique pour la crédibilité du traité. De même, la crise iranienne relance le débat sur le risque de prolifération.

À présent, sur les 192 États membres des Nations unies, 188 sont membres du TNP. De nombreux pays ont fait le choix de ne pas chercher à acquérir l'arme nucléaire ou ont volontairement interrompu un programme nucléaire militaire en cours. Les pays sous parapluie nucléaire américain (les États membres de l'Alliance atlantique à l'exception de la France, du Japon et de la Corée du Sud) y ont renoncé en contrepartie d'une garantie de sécurité.

Depuis la signature du TNP, le stock d'armes nucléaires a fortement diminué comme le souligne un rapport d'information sur l'arme nucléaire dans le monde, 50 ans après l'adoption du Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP). Il y avait environ 70 000 ogives nucléaires dans le monde dans les années 1980, il en reste environ 14 000 aujourd'hui. Cette réduction est cependant liée à la mise en oeuvre de traités de désarmement bilatéraux entre les États-Unis et la Russie. Or il n'est pas sûr que le traité New Start de réduction des armes stratégiques (missiles intercontinentaux, lanceurs sous-marins et bombardiers) soit renouvelé en 2021.