Source : Le Monde   (22/2/2022)

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/22/la-politique-energetique-doit-faire-l-objet-d-un-debat-ouvert_6114708_3232.html

« La politique énergétique doit faire l’objet d’un débat ouvert »

Tribune

Emmanuel Macron ne peut pas, seul, décréter la relance du programme nucléaire français, rappellent l’ancien haut fonctionnaire Michel Badré et l’économiste Alain Grandjean, dans une tribune au « Monde ». Le peuple et le Parlement doivent se prononcer sur le sujet.

Le président de la République, probable candidat à sa réélection, a annoncé le 10 février 2022 sa volonté de lancer un nouveau programme nucléaire et de développer, dans le même temps, les énergies renouvelables. Cette annonce éclaire les électeurs sur ses intentions, ce qui est une bonne chose.

Mais elle ne peut pas constituer une relance du nucléaire en tant que telle. En effet, cette décision ne dépend pas du président de la République actuel ou futur, mais du Parlement. La législation prévoit qu’une loi sera adoptée au premier semestre 2023 pour arrêter ces orientations. Elles seront ensuite précisées par une nouvelle « programmation pluriannuelle de l’énergie » qui se substituera à l’actuelle, arrêtée par décret en 2020.

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La Constitution encadre la préparation d’un tel texte. L’article 7 de la charte de l’environnement (2005), indique, en effet, que « toute personne a le droit (…) d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Réacteurs à l’arrêt

Citons quelques-unes des questions posées par l’élaboration de ce texte :

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Les réponses à ces questions doivent déboucher sur un débat de société ouvert, préalable à la décision du Parlement, dans l’esprit de la charte de l’environnement. Le président de la République a évoqué, le 10 février, une « concertation » à mener en 2022. Cette forme de dialogue avec la société, couramment pratiquée pour des démarches de moindre importance, est substantiellement différente d’un véritable débat public apportant toutes les garanties de transparence et d’impartialité.

Un tel débat, indispensable ici, peut prendre des formes très diverses, mais doit permettre aussi bien aux corps intermédiaires (syndicats, organisations professionnelles, ONG), au grand public non professionnel et aux experts institutionnels ou non institutionnels d’exprimer leur avis. Il doit être mené par un organisme indépendant.

Les questions énergétiques touchent aux questions écologiques et climatiques, à la bonne santé de notre économie ainsi qu’au niveau de vie et au bien-être social de chacune et de chacun d’entre nous. Notre démocratie est fragile et son exercice est souvent complexe, mais c’est sur de tels sujets qu’elle est essentielle à la cohésion de notre pays. C’est pour cela que l’organisation d’un débat de société ouvert, portant sur la politique énergétique dans son ensemble, avant que la loi soit votée en 2023, est un enjeu majeur.

Michel Badré est ingénieur, ancien président de l’Autorité environnementale, président du groupe de suivi des concertations sur le projet Cigéo ; Alain Grandjean est économiste, président de la Fondation pour la nature et l’homme (ex-Fondation Nicolas Hulot).

 

 

 

 


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