Source : les Echos   (20/3/2022)

https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/pourquoi-le-president-candidat-macron-veut-renationaliser-totalement-le-nucleaire-dedf-1394866

Pourquoi le Président candidat Macron veut renationaliser totalement le nucléaire d'EDF

Président de la République et candidat à sa réélection, Emmanuel Macron a fait valoir la nécessité pour l'Etat « de prendre le contrôle » des activités les plus « régaliennes » d'EDF. Les pouvoirs publics veulent ouvrir des négociations avec Bruxelles sur le financement et le mode de régulation des nouveaux réacteurs EPR.

 

S'il est élu, Emmanuel Macron compte remettre sur le métier, sa grande réforme d'EDF.
S'il est élu, Emmanuel Macron compte remettre sur le métier, sa grande réforme d'EDF. (Laurent GRANDGUILLOT/REA)

Par Sharon Wajsbrot

C'est désormais officiel. Lors de la présentation de son programme de campagne , le Président candidat Emmanuel Macron a fait valoir la nécessité pour l'Etat de « prendre le contrôle capitalistique » d'une « partie des activités » d'EDF. « Je pense que sur une partie des activités, les plus régaliennes, il faut considérer que l'Etat doit reprendre du capital, ce qui va d'ailleurs avec une réforme plus large du premier électricien français », a-t-il affirmé.

Sans les nommer Emmanuel Macron pointe les activités nucléaires d'EDF, essentielles à la souveraineté énergétique du pays. Aujourd'hui, le groupe public est détenu à environ 84 % par l'Etat et à 16 % par des actionnaires individuels, l'entreprise étant cotée en Bourse depuis 2005.

Autrement dit, s'il est réélu, Emmanuel Macron compte remettre sur le métier sa grande réforme d'EDF. Baptisée « Hercule » et engagée dès le début de son quinquennat, celle-ci a été ajournée face à l'opposition de Bruxelles et aux levées de boucliers des syndicats en France.

« Quand on parle de nucléaire, il se passe quasiment un siècle entre le moment où l'on conçoit une centrale et le moment où on la démantèle. Emmanuel Macron considère qu'il faut mettre le nucléaire à l'abri de la volatilité des prix de l'électricité et d'une cotation boursière », décrypte une source au sein des pouvoirs publics.

La question du financement des EPR

Si le sujet revient aujourd'hui sur le devant de la scène c'est parce que le gouvernement se prépare, selon nos informations, à engager des discussions avec la Commission européenne sur le financement des nouveaux EPR qu'Emmanuel Macron veut commander à EDF pour renouveler le parc nucléaire français. Le coût des seuls six EPR dépasse les 50 milliards d'euros et EDF n'est absolument pas en mesure de l'assumer.

En devant l'unique actionnaire des activités nucléaires d'EDF, l'Etat vise deux objectifs : réduire au maximum le coût de financement des nouveaux réacteurs et obtenir un feu vert de Bruxelles pour fixer un prix de vente régulé de l'électricité qui sera produite.

« Si on veut atteindre un prix de l'électricité pas trop éloigné du coût du nucléaire existant, il faut un financement avec un maximum de dette publique », explique une autre source.

EDF lance une augmentation de capital de plus de 3 milliards d'euros

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Ce financement public massif ne manquera pas de mettre en alerte la Commission européenne sur de potentielles aides d'Etat vis-à-vis d'EDF, qui est le seul exploitant nucléaire en France mais est en concurrence avec d'autres acteurs sur bien d'autres métiers (la production d'électricité via les renouvelables, la vente d'électricité, etc.). « Il faudra des « chinesses wall » entre l'unité qui détient ces centrales et le reste du groupe », confirme une autre source.

Service d'intérêt économique général

Aussi, les pouvoirs publics ne désespèrent pas de faire reconnaître le nouveau nucléaire comme un service d'intérêt économique général (SIEG) , c'est-à-dire comme une activité éligible aux aides d'Etat « légales » en Europe car oeuvrant pour l'intérêt général.

Mais les conséquences de tels arbitrages sur l'organisation du groupe EDF sont encore complexifiées par la régulation du nucléaire existant. Actuellement suspendues, les discussions entre le gouvernement français avec la Commission européenne sur la régulation qui prendra la suite de l'Arenh (le tarif réglementé de vente du nucléaire historique) pourraient aboutir à un prix de vente distinct de celui négocié pour les nouveaux réacteurs. Et surtout, cette régulation pourrait impliquer d'autres murailles de Chine au sein du groupe EDF…

Ce casse-tête promet de relancer des débats houleux sur la recomposition du groupe public. « Hercule is back. Mais une nationalisation d'EDF à la sauce Macron ne nous intéresse pas », prévient d'emblée Philippe Page le Mérour, le secrétaire CGT du CSEC d'EDF SA. Il craint un « démantèlement du groupe et une désoptimisation de sa production » avec en contrepartie de la nationalisation du nucléaire, une vente d'autres activités, comme Enedis, au secteur privé.

Mais au sein des pouvoirs publics certains espèrent que le sujet sera cette fois pris sous un autre angle. Tant à Paris, qu'à Bruxelles. « La guerre en Ukraine montre que le parc nucléaire est essentiel pour l'indépendance énergétique de la France et par ailleurs il n'émet pas de CO2. Cette guerre va contraindre la Commission à bouger dans un sens plus raisonnable », veut croire une source au sein des pouvoirs publics.

EDF lance son appel au marché

L'électricien français a annoncé vendredi le lancement d'une augmentation de capital de 3,1 milliards d'euros, dont 2,7 milliards seront apportés par l'Etat, afin de renforcer ses fonds propres. Annoncé le 18 février, l'opération atteint finalement un montant un peu plus élevé compte tenu de la remontée du cours de Bourse de l'énergéticien. EDF mettra en vente deux nouvelles actions pour treize actions existantes, au prix unitaire de 6,35 euros par nouvelle action, avec un maintien du droit préférentiel de souscription. Le nombre de titres émis - 500 millions - correspond au maximum autorisé par l'assemblée générale d'EDF.

 

 

 


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