Source : L'Echo
https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/les-problemes-du-nucleaire-font-flamber-le-prix-de-l-electricite-en-france/10378510.html
Les problèmes du nucléaire font flamber le prix de l'électricité en France
Le gestionnaire du réseau français à haute tension a appelé à modérer la consommation d’électricité ce lundi. Les prix de marché ont atteint des niveaux sans précédent.
Le prix de l’électricité heure par heure a atteint 2.987,78 euros par MWh ce lundi entre 8 et 9 heures du matin en France, pas loin du plafond de 3.000 euros par MWh, qui va d’ailleurs être relevé à 4.000 euros par MWh d’ici quelques semaines. Et le prix pour l'ensemble de la journée était de 551,43 euros par MWh, contre 39,97 euros le 4 avril 2021, et 21,1 euros le 4 avril 2020…
"Beaucoup de maintenances, très peu de vent et vague de froid, c'est vraiment la 'perfect storm'."
La vague de froid entraîne de fortes tensions sur le marché français, alors que 27 des 56 réacteurs nucléaires sont à l’arrêt. "C’est vraiment la ‘perfect storm’, analyse Danielle Devogelaer, manager chez Sia Partners et auparavant spécialiste du secteur de l’énergie au Bureau fédéral du plan. Premièrement, suite à la crise sanitaire, beaucoup de travaux de maintenance avaient été postposés dans le nucléaire, et on a découvert de la corrosion sur quelques réacteurs. Deuxièmement, il y avait très peu de vent en France ce lundi. Et troisièmement, la vague de froid conduit à une demande d’électricité assez élevée." La France compte pas mal de chauffages électriques, surtout dans le sud du pays, et l’hiver, chaque degré en moins entraîne une consommation supplémentaire de 2.400 MW – soit la production de près de deux réacteurs nucléaires et demi.
RTE, le gestionnaire du réseau français à haute tension, prévoyait une consommation de pointe de 73.000 MW ce lundi matin, alors que la production d’électricité en France était attendue à 65.000 MW, mais estimait les importations possibles à 11.000 MW.
Par précaution, RTE a activé le "signal orange", appelant à diminuer la consommation aux heures critiques.
Par précaution, RTE a activé le "signal orange", appelant particuliers, entreprises et collectivités à diminuer leur consommation aux heures critiques. Aux particuliers, il suggérait notamment de faire tourner lave-vaisselle ou lave-linge le week-end plutôt que ce lundi. Et la consommation a été un peu en deçà des prévisions, sans que l’on puisse prouver que c'est le résultat de cet appel. Le groupe de supermarchés Carrefour fait en tout cas partie de ceux qui ont annoncé un effort, en diminuant le chauffage dans les bureaux et l’éclairage dans les magasins.
La Belgique a exporté de l’électricité toute la journée vers la France tandis qu’elle en importait des Pays-Bas et de l’Allemagne. Mais en Belgique, le prix sur le marché ‘day ahead’ n’a pas flambé. Il était à 225,80 euros par MWh ce lundi, un niveau historiquement très élevé, mais plus de deux fois inférieur à celui de la France. "Il y a eu découplage des prix pendant quelques heures, analyse Danielle Devogelaer, parce que les interconnexions ne permettaient pas d’acheminer davantage d’électricité vers la France."
Cette situation tendue rappelle que la Belgique pourra moins compter sur la France pour sa sécurité d’approvisionnement en électricité que par le passé. "Durant tout l’hiver, la France avait déjà très peu de réserves, à cause des problèmes de son nucléaire", souligne Dieter Jong, spécialiste du trading d’électricité. Des problèmes de corrosion ont été détectés sur cinq réacteurs, et l’ensemble du parc va devoir être passé au crible. L’inquiétude est telle qu’il n’est pas exclu de rouvrir pour l’hiver prochain la centrale au charbon de Saint-Avold, dans l’est du pays, qui vient tout juste de fermer.
Pour Danielle Devogelaer, il n'y a toutefois pas encore péril en la demeure. "Il est clair que plus un parc nucléaire vieillit, plus ses besoins de maintenance augmentent. Mais Elia, le gestionnaire du réseau belge à haute tension, a pris en compte différentes sensibilités dans ses scénarios pour la sécurité d'approvisionnement. Et il reste encore de la marge", estime-t-elle.