Source : Le Monde

https://www.lemonde.fr/energies/article/2022/05/15/l-ambition-sans-cesse-contrariee-de-relance-du-nucleaire-au-royaume-uni_6126230_1653054.html

L’ambition sans cesse contrariée de relance du nucléaire au Royaume-Uni

Le premier ministre britannique, Boris Johnson, veut « construire une centrale nucléaire par an ». La réalité en semble bien loin.

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Publié hier à 17h30

Le nucléaire « revient, encore plus fort » (Tony Blair, 2005). « Nous relançons notre industrie nucléaire » (David Cameron, 2013). « Nous voulons construire un réacteur par an » (Boris Johnson, 2 mai). Les premiers ministres britanniques se succèdent, chacun promettant de relancer l’industrie nucléaire. La réalité sur le terrain ne change pourtant guère : le parc actuel est vieillissant, et une seule centrale, à Hinkley, est en cours de construction.

Le Royaume-Uni a toujours connu ces hésitations sur le nucléaire. Il a construit la première centrale civile au monde, en 1956, puis n’a guère poursuivi l’effort. Aujourd’hui, ses centrales, installées majoritairement dans les années 1970 et 1980, puis rachetées par EDF en 2008, produisent autour de 16 % de l’électricité du pays.

Mais leur âge devient un vrai problème. En 2017, elles produisaient 64 TWh. Depuis, chaque année, la production décline, pour atteindre 46 TWh en 2021, à la suite de travaux de maintenance plus longs que prévu. D’ici à 2030, à une exception près, l’ensemble des centrales actuelles aura fermé.

Un EPR lent à venir

Les gouvernements successifs sont conscients du problème, mais ont traîné avant d’agir. Après de longues tractations, EDF a démarré, en 2016, la construction d’un EPR à Hinkley, dans l’ouest de l’Angleterre. Avec deux réacteurs d’une capacité totale de 3,2 gigawatts, il s’agit d’un mastodonte. Mais, comme ailleurs dans le monde, l’EPR peine à prendre forme. La pandémie de Covid-19 a provoqué des retards, repoussant la date d’achèvement de 2025 à 2026. Plusieurs surcoûts ont été annoncés, la facture officielle étant désormais de 22 à 23 milliards de livres, soit 26 milliards d’euros (en 2008, quand EDF a racheté British Energy, le prix envisagé était d’une dizaine de milliards de livres).

Depuis, EDF presse pour la construction d’une deuxième centrale à Sizewell, dans l’est de l’Angleterre. En faisant une série d’EPR rapprochés, l’entreprise promet de fortement réduire les coûts. Mais le feu vert tarde à venir. L’électricien français n’a ainsi pas pu clore le financement. Pour tenter d’accélérer le processus, le gouvernement britannique a mis 100 millions de livres (116 millions d’euros) dans le projet et promet d’investir 1,7 milliard de livres, quand tous les financements seront trouvés.

Malgré cet engagement officiel, les progrès du dossier Sizewell C sont limités. « Quand les travaux commenceront, la chaîne logistique [mise en place pour Hinkley] se sera effondrée », craint Dieter Helm, de l’université d’Oxford. « Ça fait trente ans que la politique nucléaire britannique suit cette habitude d’avoir un gouvernement qui annonce une nouvelle famille de réacteurs nucléaires, suivie dix ans plus tard d’une seule centrale construite », critique Michael Grubb, de l’University College de Londres.

Pour lui, le coût devient également prohibitif : « Autrefois, je pensais que le nucléaire était une solution de grande taille et peu chère, tandis que l’éolien offshore était compliqué et cher. Aujourd’hui, c’est le contraire. »


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