Source : Le Monde

https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/17/nucleaire-face-au-probleme-de-corrosion-un-programme-de-controle-de-grande-ampleur_6126537_3244.html

Nucléaire : face au problème de corrosion, un programme de contrôle de « grande ampleur »

Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Bernard Doroszczuk, donne une « appréciation générale positive » sur la sûreté du parc, mais souligne des « points de vigilance ».

Par et

Publié hier, mis à jour hier à 19h49

 

La centrale nucléaire de Chooz (Ardennes), le 25 janvier 2022.

 

L’exercice, traditionnel, visait à dresser le bilan de l’état de la sûreté nucléaire en 2021. Ce sont finalement les événements survenus lors des toutes dernières semaines de l’année, mais aussi au cours des premiers mois de 2022, qui ont été au cœur de l’intervention de Bernard Doroszczuk devant les membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mardi 17 mai.

Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est revenu sur les conséquences du phénomène de « corrosion sous contrainte » constaté sur des parties de tuyauteries qui permettent d’injecter de l’eau dans le circuit principal primaire afin de refroidir le cœur du réacteur en cas d’accident. Depuis la mi-décembre, EDF a procédé à l’arrêt ou a prolongé l’arrêt de douze unités afin de mener des expertises approfondies ou des réparations en lien avec ce problème.

Si l’origine de cette corrosion n’est pas complètement déterminée, M. Doroszczuk a fait savoir qu’elle pouvait être due au « design » des réacteurs : les plus anciens et les plus répandus du parc sont basés sur une technologie d’origine américaine, alors que les plus récents ont été conçus selon un modèle adapté par EDF. Or, la tuyauterie qui va du circuit primaire jusqu’à la première vanne est plus longue et plus complexe sur les seconds, et ce tracé pourrait générer des contraintes thermomécaniques plus importantes.

« A ce stade, ce problème n’est pas considéré comme un problème de vieillissement, a précisé le président de l’ASN. Il semble qu’il n’y ait que peu ou pas de fissurations détectées sur les 32 réacteurs de 900 mégawatts, mais cela reste à confirmer. » La façon dont ont été réalisées les soudures des tuyauteries apparaît comme un facteur de « second ordre », mais qui aurait néanmoins une certaine influence.

EDF a d’ores et déjà examiné 35 soudures et prévoit d’en contrôler 105 autres d’ici à fin juin. Le groupe, exploitant du parc, envisage également de développer de nouveaux moyens de contrôle par ultrasons permettant de déterminer la taille des fissurations. Le programme de contrôles et de réparations « de grande ampleur » devrait, dans tous les cas, s’étaler sur plusieurs années.

« Double fragilité »

Concernant le bilan global de 2021, le président du gendarme du nucléaire, autorité administrative indépendante, fait état d’une « appréciation générale positive », tout en soulignant des « points de vigilance ». Il a notamment insisté, comme il l’avait déjà fait en janvier, sur la « double fragilité » du parc, qui « résulte de l’absence de marge en termes d’approvisionnement électrique et d’un déficit d’anticipation ».

La première fragilité tient à la faible disponibilité des réacteurs. A l’inverse du caractère « inattendu » des arrêts pour cause de corrosion, d’autres éléments expliquant cette situation étaient prévisibles : l’arrêt de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) en 2020 ; le retard du chantier du réacteur EPR de Flamanville (Manche) ; les lourds travaux du grand carénage et des visites décennales ; ou encore les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le calendrier des opérations de maintenance.

Le second élément de vulnérabilité concerne « l’ensemble de la chaîne du cycle du combustible », et donc notamment la société Orano (ex-Areva), qui en assure le retraitement. L’usine Melox (Gard), qui fabrique le mox, un combustible composé de plutonium et d’uranium appauvri, connaît d’importantes difficultés : elles ont conduit à produire beaucoup de rebuts, qui doivent être entreposés. Sur le site de La Hague (Manche), Orano va devoir mettre en place une solution temporaire pour faire face à la saturation de ses capacités d’entreposage des combustibles usés à l’horizon 2030. « Chacun de ces événements, s’ils s’aggravent, pourrait par ricochet et effet systémique fragiliser le fonctionnement des centrales », a alerté M. Doroszczuk.

Il a appelé à ce que la gestion de ces fragilités serve de « retour d’expérience pour l’ensemble de la filière et pour les services publics ». Un enjeu de taille, alors qu’Emmanuel Macron a déjà annoncé vouloir lancer la construction de six réacteurs de nouvelle génération.

Adrien Pécout et Perrine Mouterde


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