Source : L'Usine Nouvelle  (16/12/2021)

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Prolonger la vie des réacteurs nucléaires français, une priorité absolue pour EDF

EDF a démarré la complexe prolongation de ses centrales nucléaires au-delà de quarante ans, mais cela reste un défi industriel.

Prolonger la vie des réacteurs nucléaires français, une priorité absolue pour EDF
EDF doit réaliser 30 quatrièmes visites décennales, chacune d’une durée de six mois, d’ici à 2030.

Une chose est sûre, même si la France confirme la construction de nouveaux EPR, il faudra prolonger les 56 réacteurs du parc nucléaire existant au-delà de quarante ans, voire cinquante ou soixante ans. C’est la solution la moins chère pour maintenir un socle de production pilotable d’électricité décarbonée et absorber l’augmentation annoncée de la demande. Prolonger un réacteur coûte entre 500 et 1 000 dollars par kilowatt électrique (kWe) de capacité installée. L’électricité produite, autour de 40 euros par mégawattheure (MWh), reste alors compétitive face aux renouvelables.

En France, le coût de la prolongation au-delà de quarante ans d’activité des 32 réacteurs de 900 mégawatts (MW), les plus anciens, est estimé à 650 euros par kilowatt (€/kWe). Pour la première phase de ce « grand carénage », qui s’étale de 2014 à 2025, EDF déboursera 49,4 milliards d’euros. Un coût plusieurs fois révisé, qui ne dit rien des phases suivantes.

Au-delà de soixante ans, la grande inconnue

Le calendrier des quatrièmes visites décennales (VD4) s’échelonne jusqu’en 2030. Ensuite, les plus importants travaux – comme l’installation de diesels d’ultime secours et d’un récupérateur de corium (matière de fusion du réacteur) sous la cuve – étant réalisés, le coût descendrait à 440 €/kWe pour emmener au-delà de quarante ans les réacteurs plus récents (de 1 300 à 1 500 MW) et les 900 MW au-delà de cinquante ans.

 

Nous étudions la poursuite au-delà de quarante ans des réacteurs de 1 300 MW dans l’objectif de rendre un avis six mois avant la première des quatrièmes visites décennales.

Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASN

Au-delà de soixante ans, en revanche, c’est la grande inconnue. EDF parle de « défi industriel », car il faudra réaliser des recherches concluantes sur le vieillissement des matériaux. S’il n’a pas été fixé de limite de fonctionnement aux réacteurs du parc français, « il faut avoir une hypothèse de durée de vie pour dimensionner les équipements, explique Julien Collet, le directeur général adjoint de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Quarante ans, c’est la durée de référence pour Framatome ».

Or certains équipements, comme les générateurs de vapeur, ont dû être changés avant cet âge. La cuve où se produit la réaction de fission ne pouvant être remplacée, elle devient « l’élément dimensionnant ». Elle est « soumise à un vieillissement particulier dû à de fortes irradiations, qu’EDF sait mesurer » et dont il tient compte pour la durée de vie d’un réacteur. En l’état de ses connaissances, l’opérateur national ne peut pas se projeter au-delà de soixante ans, cinquante pour certains.

Un coût équivalent à la construction d’un EPR 2

« Nous n’avons pas encore eu d’échange avec EDF sur un fonctionnement au-delà de cinquante ans. C’est quelque chose que l’on ne peut pas considérer comme acquis », prévient Julien Collet. EDF pourrait arrêter dix réacteurs des centrales de Blayais, Bugey, Chinon, Dampierre et Gravelines, parmi les plus anciens, entre 2029 et 2035. Et pas uniquement parce que c’est prévu par la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie.

L’ASN, qui n’a validé qu’en février 2021 le mode opératoire du réexamen générique des réacteurs de 40 ans proposé par EDF, attend maintenant, pour envisager la suite, les résultats des contrôles approfondis sur la cuve et l’enceinte pour chaque réacteur et que l’énergéticien réalise tous les travaux demandés. D’ici là, « nous étudions la poursuite au-delà de quarante ans des réacteurs de 1 300 MW dans l’objectif de rendre un avis six mois avant la première des quatrièmes visites décennales, vers la mi-2025 », précise Julien Collet.

Face à toutes ces inconnues, dans son évaluation économique des mix électriques possibles à 2050, le gestionnaire du réseau RTE considère que prolonger des réacteurs au-delà de soixante ans coûterait le même prix que de construire un réacteur EPR 2, la version optimisée industriellement de l’EPR de Flamanville, soit environ 5 500 €/kWe.

Trente quatrièmes visites décennales en dix ans

EDF n’en est vraiment pas là. Il doit réaliser en dix ans plus de 30 VD4. D’une durée d’environ six mois, elles permettent, outre un changement de combustible, de mener à bien certains travaux génériques nécessaires à la prolongation, comme l’installation de nouveaux équipements d’évacuation de puissance et de refroidissement en cas d’accident dans le bâtiment du circuit secondaire. Et, surtout, d’effectuer les contrôles requis par l’ASN.

La date de remise du rapport fixe celle de la prochaine visite décennale. Pour le réacteur Tricastin 1, dont la VD4 a été réalisée en 2019, ce sera en 2030. Entre-temps, l’ASN rendra son avis sur le dossier de contrôle et formulera de nouvelles exigences spécifiques à chaque réacteur, qui s’ajouteront au calendrier déjà tendu des VD4. L’énorme volume d’activité pour la filière inquiète d’ailleurs l’Autorité, qui a demandé à EDF de faire un point chaque année sur les capacités industrielles. Le premier est programmé au premier semestre 2022.

 


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