Source : Le JDD

https://www.lejdd.fr/Societe/nucleaire-les-dechets-le-sujet-impossible-a-enterrer-4086879

Nucléaire : les déchets, le sujet impossible à enterrer

À Bure, le projet d'enfouissement des déchets suscite une vraie colère. La science est appelée à la rescousse.

Le chantier du site d'enfouissement de déchets nucléaires de Bure.
Le chantier du site d'enfouissement de déchets nucléaires de Bure. (Sipa)

En surface, des champs à perte de vue. En sous-sol, un gruyère : de longues galeries d'argile, avec, un peu partout, des alvéoles. Le site de Bure, dans la Meuse, a été choisi pour enfouir les déchets les plus radioactifs du parc ­nucléaire français à partir de 2035. Le 20 décembre, le projet Cigéo a reçu un avis favorable de la commission d'enquête publique. Après l'avis du Conseil d'État, le Premier ministre reconnaîtra ou non le caractère d'utilité publique de ce stockage profond ; avec de premiers colis entreposés à l'horizon 2035.

Dans la Meuse, les cinq semaines de consultation publique n'ont pas apaisé les tensions, au contraire. "On connaissait d'avance le ­résultat de cette enquête, dénonce Jean-Marc Fleury, porte-parole de l'association des élus opposés à l'enfouissement des déchets ­radioactifs. En France, on veut bien entendre les citoyens mais on ne les écoute pas!" Pour lui, le gouvernement "s'entête". "Il sait qu'il aura du mal à lancer son nouveau programme nucléaire s'il ne montre pas des solutions aux Français, poursuit-il. Il veut donc présenter Bure comme une ­solution. Mais c'est pourtant la plus mauvaise !"

Des chercheurs travaillent à la transmutation des ­déchets

Parmi ses craintes, celle d'un ­accident. Pour Bernard Laponche, ­ex-ingénieur au CEA, le problème de Cigéo est "l'absence de réversibilité". "L'argile va envelopper les colis vitrifiés. S'il y a une fuite sur l'un d'entre eux, on ne pourra pas le récupérer", explique-t-il, citant l'exemple de la Finlande, qui a choisi un enfouissement dans le granit avec possibilité de remonter les déchets.

D'autres estiment que la quantité limitée de déchets réduit le risque. "Le nucléaire, c'est 10 grammes de déchets par personne et par an, rappelle Guy Willermoz, du CEA. Les déchets ménagers, c'est 2,2 tonnes, les déchets hautement toxiques de l'industrie, 150 kilos!" Quant aux craintes de migration des déchets à la surface et de la radioactivité, l'ingénieur répond avec un exemple : celui de la mine d'uranium d'Oklo, au Gabon. "Il y a plusieurs milliards d'années, des infiltrations d'eau dans la mine ont produit des réactions telles que celles observées dans un réacteur nucléaire, avec des déchets, raconte-t-il. Mais ceux-ci sont restés dans la couche géologique."

Que faire quand ces déchets seront plus nombreux? "Imaginez si, partout où on veut décarboner, on installe des petits réacteurs! s'inquiète Bernard Laponche. Dans deux cents ans, on aura des trous partout dans la croûte terrestre avec des produits très dangereux." Lui espère que la science permettra de résoudre cette équation sensible. Des chercheurs travaillent à la transmutation des ­déchets, qui consiste à en isoler chaque produit pour réduire leur durée de radioactivité. Le plan France 2030 prévoit des crédits alloués à cette ­innovation.


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